EN IMAGES - Les Iles du désir (2/4) : Nauru, par le photographe Richard Pak

EN IMAGES – Les Iles du désir (2/4) : Nauru, par le photographe Richard Pak

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Dans l’œil de Libé

En 2016, l’artiste entame son cycle «les Iles du désir» composé de photographies, écrits et vidéos. Le second volet l’embarque pour Nauru, passé entre les années 70 et 90 de l’un des pays les plus riches du monde à l’extrême pauvreté.

publié aujourd’hui à 10h25

L’île de Nauru, en Micronésie, se situe à 42 km au sud de l’Equateur. Richard Pak s’y est rendu fin 2022.

Richard Pak

Richard Pak explique que c’est par le livre «Nauru. l’Ile dévastée» de Luc Folliet qu’il a découvert l’histoire du pays avant de s’y rendre : «J’y suis resté près de trois semaines, j’ai eu la chance de pouvoir louer un studio à une famille nauruane car il y a très peu d’hôtels.»

Richard Pak

«J’ai photographié en majorité le “Topside” : le plateau central qui couvre 75% de l’île. C’est là que se trouve le gisement de phosphate, toujours exploité quoique bientôt arrivé à épuisement, et dont il ne reste à perte de vue que des pinacles de coraux. Je n’avais pas de guide mais la responsable de l’office du tourisme m’a servi de fixeuse et m’a beaucoup aidé, notamment pour trouver logement et voiture. J’étais le seul étranger à l’exception d’un type qui est resté deux jours et a pu ainsi obtenir le précieux tampon de Nauru sur son passeport… Car il voulait visiter le plus grand nombre de pays. C’est d’ailleurs la principale motivation de ceux qui se rendent à Nauru.»

Richard Pak

«A Nauru tout commence – et s’arrête – avec le phosphate qu’un géologue découvre par hasard au début du siècle dernier, intrigué par une pierre qui sert à caler une porte de bureau.»

Richard Pak

«L’exploitation du phosphate démarre alors via des puissances étrangères qui, se succédant, vont appauvrir son sol. A son indépendance en 1968, les centaines de millions de dollars de l’industrie minière font du nouvel Etat le plus riche du globe. Il les redistribue généreusement à sa population. Parallèlement, Nauru investit sa fortune dans la spéculation immobilière et financière. Pendant deux décennies d’euphorie, le petit peuple de pêcheurs adopte le mode de vie occidental et l’hyperconsommation. Au milieu des années 90, le phosphate s’épuise, et donc les revenus de l’île également. Les investissements immobiliers aussi se révèlent catastrophiques. Désastre économique et écologique, le pays sombre.»

Richard Pak

«Le phosphate a beaucoup d’applications. D’abord militaire (surtout pendant les guerres mondiales) pour faire des explosifs. Et puis après-guerre, on l’a utilisé essentiellement, et encore aujourd’hui, pour faire de l’engrais. On en trouve aussi dans l’alimentation sous forme d’acide phosphorique. Dans le Coca notamment.»

Richard Pak

«Les poussières de phosphate (et de corail) se déposent sur les routes. Ce sont à 95% des femmes qui balaient l’unique route, jour et nuit. Surtout la nuit, chaleur oblige.»

Richard Pak

«Ballet absurde et perpétuel, cet incessant combat perdu d’avance ajoute à la dimension mythologique d’une contrée résolument singulière. Elles sont assez nombreuses. Le plus frustrant est qu’à quelques dizaine de mètres, le littoral est recouvert de déchets plastique que personne ne nettoie. D’après ce que l’on m’a dit c’est une façon de donner du travail à celles qui n’en ont pas, de préférence une fille, une cousine, une nièce. Quant aux hommes, je ne sais pas trop. Quand ils ne travaillent pas à la mine ils soulèvent de la fonte (Nauru est une grande nation d’haltérophiles) ou bien pêchent.»

Richard Pak

«Pour les habitants de Nauru qui ont connu cet âge d’or, c’est les mêmes anecdotes qui reviennent. Je me souviens d’un homme d’une cinquantaine d’années qui m’a raconté que ses parents avaient cinq voitures… une par jour de la semaine. On raconte souvent aussi l’histoire du type (un policier je crois) qui avait fait importer une voiture de luxe type Lamborghini ou Ferrari. Mais quand elle est arrivée, il s’est rendu compte que son bas de caisse était trop bas et donc inutilisable sur la route pourrie de Nauru. Il l’a revendue pour une bouchée de pain à un Australien de passage qui n’en croyait pas sa veine. J’ai aussi rencontré deux frères prénommés Rolex et Timex !»

Richard Pak

«Sur mes photos, j’ai utilisé de l’acide phosphorique. J’ai cherché un dérivé du phosphate et j’ai fait des essais avec différents produits. C’est au final l’acide phosphorique qui a donné les meilleurs résultats. J’ai d’ailleurs pu affiner mon protocole avec les conseils d’un chercheur au CNRS dans le cadre du prix Photographies & Sciences de la Résidence 1+2 que j’ai remporté en 2021. Je l’ai employé à même les négatifs, soit par immersion soit par projection. En fonction de la durée (de quelques minutes à plus de vingt-quatre heures) et de la concentration, je peux contrôler dans une certaine mesure l’effet obtenu même s’il y a toujours une part d’imprévisible. Ensuite, je les scanne et je les imprime. Je voulais sacrifier ces originaux dans le phosphate comme eux ont sacrifier leur île tout entière. Il me reste encore des négatifs intacts, c’est mon gisement que j’exploite avec parcimonie !»

Richard Pak

Cette série de Richard Pak est visible du 7 février au 23 mars au festival du Jeu de Paume, «Paysages mouvants».

Richard Pak

Libération

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