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«Je le dis tout net, c’est une bande de voleurs…» (gloussements dans l’assemblée) «On n’est pas chez les Trump, ici» (rires dans la salle). Le public réuni ce samedi matin dans l’auditorium de la Bibliothèque nationale de France savoure les punchlines de Pascal Rogard. Ce n’est quand même pas aujourd’hui, sur cette table ronde organisée en prélude au Sommet international sur l’intelligence artificielle, que le charismatique patron de la SACD, qui représente l’intérêt des auteurs, va commencer à mâcher ses mots.
Ne vient-il pas d’ailleurs d’être invité à parler à cœur ouvert par Rachida Dati, ministre de la Culture qui s’est beaucoup battue pour obtenir ce week-end de débats culturels sur l’IA ? Donc arrêtons avec les euphémismes : les entreprises mondiales de la tech, les Open AI et consorts, n’ont pas «moissonné» le web pour entraîner leurs modèles d’intelligence artificielle générative, dit-il, elles ont «pillé» des milliers d’œuvres protégées. Il est donc temps pour les créateurs et ayant droits de réclamer leur dû.
Hochement de têtes général dans l’assemblée : ici, tout le monde semble d’accord. Ce n’est pas aujourd’hui que cette notion de «pillage» des œuvres par les IA sera débattue en public. Dommage : on avait cru comprendre qu’elle était centrale dans l’argumentaire des sociétés anglo-saxonnes pour refuser tout dédommagement aux créateurs européens. La question a bien été esquissée par le directeur général des cinémas MK2, Elisha Karmitz, qui rappelait à quel point s’affrontaient actuellement deux modèles de protection des auteurs : d’un côté le «fair use» anglo-saxon qui envisage davantage la création en open source, de l’autre le droit d’auteur à la française, plus protecteur. Sur une autre table ronde, le compositeur Jean-Michel Jarre interrogeait de son côté la distinction entre pillage et inspiration, rappelant que tous les artistes passent eux-mêmes leurs temps à «piller» les autres et à recomposer l’existant à leur sauce. «Il va donc falloir trouver un partenariat global différent de la seule application du droit d’auteur classique».
Cette option n’est pas à l’ordre du jour pour Rachida Dati, qui a tranché : «Le respect de la propriété intellectuelle, ce n’est pas une option», avant d’annoncer le lancement d’une concertation nationale sur «un marché éthique respectueux du droit d’auteur», destinée à nourrir les travaux menés à l’échelle européenne sur la mise en place du règlement européen sur l’IA. Actuellement, ces travaux ne se dirigent pas en faveur des créateurs, qui espèrent donc profiter du Sommet pour que résonne ce message : non, la protection des auteurs ne menacera pas la survie des entreprises…
La preuve, souvenons-nous, demande Cécile Rap-Veber, la directrice générale de la Sacem, qui protège les droits des musiciens : «Quand on a cherché à réguler les acteurs du streaming, les Gafam nous ont dit que leur modèle économique ne survivrait pas. Aujourd’hui, on a des accords avec tous ces acteurs (Apple, YouTube), qui se portent très bien je crois. Donc non, la protection des droits d’auteur n’a jamais menacé l’innovation.»
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