Présidence du Conseil constitutionnel : la candidature de Richard Ferrand approuvée de justesse par le Parlement

Présidence du Conseil constitutionnel : la candidature de Richard Ferrand approuvée de justesse par le Parlement

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Et l’extrême droite sauva le candidat d’Emmanuel Macron. En annonçant leur abstention surprise à l’issue de l’audition de Richard Ferrand à l’Assemblée nationale ce mercredi matin, les 16 députés du Rassemblement national (RN) et leurs deux alliés ciottistes de la commission des lois ont ouvert les portes du Conseil constitutionnel à l’ancien socialiste. Avec 58 votes contre parmi les 97 suffrages exprimés à l’Assemblée et au Sénat, Ferrand arrive une toute petite voix sous la barre des trois cinquièmes de votes négatifs, qui auraient signifié le rejet de sa nomination. Dans le détail, 32 députés sur 57 ont voté contre, de même que 26 sénateurs sur 40.

A peine le résultat annoncé par la présidente LR de la commission des lois du Sénat, Muriel Jourda, le débat rebondit sur la légitimité de Ferrand à occuper la présidence du Conseil constitutionnel. «Pour l’instant, rien ne s’oppose à ce que le président de la République le nomme comme membre», commente Jourda, suggérant à Emmanuel Macron de nommer l’un des huit autres membres à la tête de l’institution. «Même si théoriquement le Président a le droit de procéder à sa nomination, je pense qu’il doit revoir son choix», renchérit la sénatrice écologiste Mélanie Vogel. «Alain Juppé, ou d’autres, que sais-je !, s’exclame la socialiste Marie-Pierre de la Gontrie. Comment faire en sorte que le président du Conseil constitutionnel soit adossé à une légitimité forte ?» L’Elysée balaye ces remarques : «Les règles sont les règles», répond l’entourage du chef de l’Etat à Libération. Richard Ferrand, 62 ans, succédera bien à Laurent Fabius le 7 mars. Quant au score étriqué du proche d’Emmanuel Macron, validé grâce à l’abstention du RN ? L’Elysée pointe l’absence de deux sénateurs macronistes ce mercredi matin et refuse de voir le problème posé par l’extrême droite : «Il n’y a pas de sous-députés».

Curieuse volte-face du RN. En début de matinée, l’orateur lepéniste Philippe Schreck indiquait que son parti ne pouvait «se satisfaire» de la nomination d’un ancien élu si proche du président de la République, faisant mine d’attendre les réponses de Ferrand «pour acter son vote». Deux heures plus tard, le porte-parole du groupe RN, Bryan Masson, annonce par surprise une abstention générale. Ferrand «s’est engagé en expliquant qu’il ne devait pas y avoir de gouvernement des juges, et que le peuple français avait un pouvoir constituant», argue le député RN, à la stupeur générale. «Qu’a négocié Marine Le Pen en échange de son abstention ?, insinue sur X Mathilde Panot, la présidente des députés La France insoumise (LFI). Le RN : éternel allié de la survie de la macronie.» Allusion à une question prioritaire de constitutionnalité que Ferrand pourrait avoir à trancher à son arrivée, si Fabius ne s’en empare pas avant le 7 mars : le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur l’exécution immédiate d’une peine d’inéligibilité visant un élu de Mayotte. Sa décision pourrait changer le destin électoral de la présidente du RN, menacée elle aussi d’inéligibilité dans l’affaire des assistants du Parlement européens. «Peut-être qu’ils cherchent à ménager leurs arrières», ironise le député PS Arthur Delaporte

Un membre macroniste de la commission des lois livre une interprétation moins complotiste du changement de pied du RN. «J’imagine que leur message est «nous respectons les institutions et contrairement à Laurent Wauquiez nous ne sautons pas sur toutes les circonstances pour faire de la politique politicienne»», analyse-t-il. Manière pour le RN de se démarquer de l’instrumentalisation de la nomination de Ferrand par Wauquiez dans sa guerre avec Bruno Retailleau pour la présidence de LR. Estimant que ce choix «pose problème», le président des députés de droite avait annoncé mardi que ses six membres de la commission des lois voteraient contre «à l’unanimité». Un positionnement destiné à souligner devant les militants LR la parole libre de Wauquiez face à un Retailleau silencieux, engoncé dans la solidarité gouvernementale.

Tant de coups de billards sur l’avenir de l’une des plus importantes institutions du pays relèguent au second plan la prestation de Ferrand. Décidé à vendre chèrement sa peau, il est apparu plutôt à son aise malgré l’hostilité des parlementaires. Piqué par les critiques de ses détracteurs sur ses deux années à la fac de droit, il ironise d’entrée sur ses «très modestes études supérieures» et rappelle que, «nécessité faisant loi», il a commencé à travailler dès 16 ans. Quand Olivier Marleix, fils d’un cacique du RPR, ironise quelques minutes plus tard sur «ces fameuses deux années de droit», le député LR se vautre dans le mépris de classe plus qu’il ne gêne le Breton.

Plus embarrassante est l’accusation de partialité venue de tous les groupes, à l’exception du bloc central. «Le Président vous place dans une situation inconfortable, pourtant pour Emmanuel Macron vous êtes le choix de confort», lui a lancé Mathilde Panot, le qualifiant de «caprice» du chef de l’Etat. «Je ne crois pas avoir une âme de valet, a répliqué l’intéressé. Je ne suis pas non plus un maréchal d’empire.» De manière un brin convenue, Richard Ferrand s’abrite derrière le «devoir d’ingratitude» que Robert Badinter, à peine nommé, lança à François Mitterrand en 1986. «Pour qu’il y ait ingratitude encore faut-il qu’il y ait reconnaissance, développe Ferrand. Je ne considère pas que ça me mette en dette de je ne sais quoi.» Plus que de l’ingratitude, il évoque «un devoir de liberté et d’indépendance» avec Emmanuel Macron. Vu les conditions de sa nomination, il lui en faudra une bonne dose.

Mise à jour : à 14h11 avec l’analyse de notre journaliste.

Libération

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