«Premiers cris» : le monde à part des prématurés

Lorsque l’on a reçu ce livre, présenté comme «une immersion en néonatalogie à la rencontre des bébés», soyons honnêtes, il y avait tout à craindre ; on allait lire un énième reportage dans un service de réa-néonat, écrit par une journaliste qui avait partagé des semaines la vie quotidienne de ces lieux impressionnants où chaque jour tient lieu du miracle. Un livre qui serait, à coup sûr «touchant», rempli «d’histoires tristes et émouvantes», avec le récit de choix déchirants de vie et de mort sur des êtres à peine nés.

Et voilà que le livre de Clémentine Goldszal déroute. Et impressionne tant l’analyse et la culture de l’autrice change la donne. Elle est là, non pas simplement pour poser son regard mais pour essayer de comprendre ce qu’elle voit. Et la tâche n’est pas simple, car le monde des grands prématurés est d’une complexité sans fond. Que comprendre, en effet, à ces petits bouts de vie qui ne peuvent rien dire, aux visages déjà marqués et pourtant innocents, débarqués en avance du terme ou atteints de graves pathologies ? Il y a quelque chose de monstrueux et de si tendre dans ces visages qui hésitent. Que voir ? Où sont les limites ? Quel sens cela a-t-il pour une collectivité de dépenser des millions d’euros pour faire vivre des êtres de moins d’un kilo avec un risque élevé de handicaps alors que l’on est incapable de développer des mesures simples de santé publique pour limiter la grande prématurité ? On est sur un fil.

Pour tenter d’y répondre, Clémentine Gol