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C’est une décision tardive mais symbolique pour les défenseurs de l’environnement. Le tribunal administratif de Toulouse a annulé, ce jeudi 27 février, l’arrêté préfectoral autorisant le chantier contesté de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres, alors que la construction était déjà avancée aux deux tier Pour les juges, le projet autoroutier «ne répond pas à une raison impérative d’intérêt public majeur» et ne justifie donc pas la mise en péril d’espèces protégées sur son tracé.
Julien Bétaille, maître de conférences à l’université Toulouse Capitole, se félicite de la prise en compte du droit de l’environnement par les magistrates et estime que le concessionnaire, Atosca, et l’Etat, qui va faire appel, ont sciemment poursuivi les travaux en sachant qu’ils s’exposaient à un revers juridique.
L’annulation de l’autorisation environnementale de l’autoroute A69 par le tribunal administratif de Toulouse est-elle une décision historique ?
Il ne faut pas aller trop vite. Il ne s’agit que d’une décision de première instance, qui va faire l’objet d’un appel puis d’un éventuel pourvoi en cassation. Je ne la qualifierais donc pas, à ce stade, d’«historique» ; attendons de savoir si elle est confirmée. En revanche, c’est effectivement la première fois qu’un projet d’autoroute est annulé par la justice pour des raisons environnementales. Jusqu’à présent, ce type de projet semblait bizarrement à l’abri de ce type de risque contentieux.
Cette décision montre qu’un tabou vient de tomber au sein des juridictions administratives. Le droit de l’environnement est peut-être un peu plus pris au sérieux que par le passé. Dans le même temps, sur le plan juridique, la décision n’est pas réellement surprenante. Elle se situe dans la droite ligne de décisions précédentes portant sur des projets moins importants (par exemple, la déviation de Beynac-et-Cazenac, en Dordogne) et surtout le tribunal a réalisé un travail d’analyse du dossier en profondeur.
Le projet va être suspendu alors qu’il est déjà bien avancé et a causé des dégâts sur la biodiversité. La victoire des opposants à l’A69 n’est-elle pas trop tardive pour être réelle ?
Je crois que personne n’est gagnant, ni les partisans du projet, ni les défenseurs de la biodiversité. Certes, le droit de l’environnement a été appliqué dans la décision du tribunal, mais il l’a été beaucoup trop tard. Même si des procédures pénales et civiles sont engagées et qu’elles aboutissent à la condamnation du concessionnaire à une remise en état des lieux, l’environnement ne pourra pas être totalement réparé.
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S’agissant de la réaction de l’Etat, on peut comprendre sa déception. Néanmoins, personne ne peut feindre la surprise. Le risque juridique était parfaitement identifiable. Le concessionnaire et l’Etat ont volontairement choisi de commencer les travaux alors que ce recours n’avait pas encore été tranché. Il n’y a rien d’«ubuesque», comme l’a dit le ministre des Transports, Philippe Tabarot, dans la décision du tribunal administratif. C’est simplement la stratégie du fait accompli qui se retourne contre ceux qui ont joué ce jeu-là.
Le ministre des Transports a aussi dit que cette situation n’était «pas acceptable»…
Il remet en fait frontalement en cause la logique de l’Etat de droit. L’Etat doit respecter la loi et la justice administrative est là pour s’en assurer. Cela implique en effet un risque de voir ses projets empêchés, mais il peut faire appel. Ils ont seulement perdu la première manche. Si l’Etat n’accepte pas lui-même la logique de l’Etat de droit, comment exiger de tous le respect du droit ?
L’appel de l’Etat a-t-il des chances d’aboutir ?
C’est très difficile à prédire. La Cour administrative d’appel devra à son tour examiner le dossier en profondeur en demeurant à l’abri des pressions extérieures, d’où qu’elles viennent, comme l’a fait le tribunal administratif.
Cette décision suggère-t-elle que la justice monte en puissance dans la prise en compte des questions écologiques ?
On ne peut pas tirer des généralités de cette décision. Néanmoins, la juge a pris au sérieux des textes européens sur la protection de la biodiversité, ce qui n’a pas toujours été le cas par le passé sur d’autres grands projets, tels que le grand contournement de Strasbourg ou l’autoroute Pau-Langon (Nouvelle-Aquitaine). Malheureusement, la justice demeure incapable de prévenir les atteintes à l’environnement. Il existe bien des procédures d’urgence pour éviter la stratégie du fait accompli mais les magistrats demeurent très frileux lorsqu’il s’agit de suspendre les travaux. Il est grand temps de réorganiser nos procédures juridictionnelles plutôt que de chercher sans cesse à en réduire l’efficacité comme on le voit depuis une bonne dizaine d’années.
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