Keir Starmer, diplomate britannique tête de pont au-dessus de l’Atlantique – Libération

Keir Starmer, diplomate britannique tête de pont au-dessus de l’Atlantique – Libération

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Choisir entre les Etats-Unis et l’Union européenne ? Hors de question. Keir Starmer l’a répété, et désormais prouvé : il se voit comme un pont à travers les eaux agitées de l’Atlantique. Un interlocuteur en position de pivot, qui permettra à ses alliés des deux côtés de l’océan de s’entendre malgré l’écart qui continue de se creuser entre eux. Et force est d’admettre que, pour l’instant, et en tout cas jusqu’à la séquence effrayante du Bureau ovale de vendredi soir, sa stratégie semble plutôt bien fonctionner.

C’est à Londres que Volodymyr Zelensky s’est posé après avoir quitté Washington humilié, privé de déjeuner et de conférence de presse, et insulté par Donald Trump devant les caméras du monde entier. C’est Keir Starmer qui, s’étant immédiatement entretenu par téléphone avec les deux parties, l’a accueilli pour une rencontre de dernière minute samedi après-midi. Et c’est à Lancaster House, un des palais utilisés pour les réceptions diplomatiques en Angleterre, qu’une vingtaine de chefs d’Etat et dignitaires européens sont accueillis dimanche 2 mars, pour une rencontre sur la défense et l’Ukraine en amont du Conseil européen extraordinaire du jeudi 6 mars.

Cette position de relatif surplomb a été décrochée au prix de grands efforts : des visites répétées des équipes du Labour aux Etats-Unis et en Ukraine, y compris avant l’arrivée de Starmer à Downing Street, des gages de bonne volonté, et des tentatives de nouer des relations personnelles avec les républicains américains. La rencontre entre Keir Starmer et le président américain, jeudi, a dû son succès à un travail préparatoire qui n’a rien laissé au hasard. Le Premier ministre britannique est arrivé armé d’une imparable invitation du roi Charles III, manuscrite, conviant un Trump fan de monarchie à une deuxième visite d’Etat «sans précédent» au Royaume-Uni.

Si Keir Starmer n’a pas fait bouger Donald Trump sur les sujets clés – notamment un dispositif américain de protection des forces européennes de maintien de la paix en Ukraine – il semble être entré dans les bonnes grâces de l’Américain, qui l’a qualifié de «dur négociateur», qui «mérite ce qu’ils le paient, là-bas». Et d’ajouter : «Je pense qu’il y a de très bonnes chances que, s’agissant de [nos] deux grands pays amis, nous puissions conclure un véritable accord commercial dans lequel les droits de douane ne seraient pas nécessaires.» Une victoire non négligeable pour le Royaume-Uni, qui espérait un accord de libre-échange avec les Etats-Unis depuis sa sortie de l’Union européenne, mais avait vu ses espoirs douchés froidement par l’administration Biden. Cette séquence réussie s’explique aussi par la placidité de Starmer, ancien procureur général, peu égotique et ferme sur ses priorités, prêt à offrir des gages en augmentant ses dépenses en matière de défense, tout en refusant de réagir aux provocations.

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Le Brexit offre un certain avantage comparatif au Royaume-Uni, par rapport au reste de l’Union européenne : il permet au pays de se placer à part, de s’extirper – du moins en partie – des menaces de droits de douane que Trump agite pour effrayer l’Europe. Ce rapprochement ne se fait pas sans coût politique, et à vouloir ménager la chèvre et le chou, Starmer s’est aussi attiré des critiques sur le plan national. Son augmentation des dépenses de défense s’accompagne d’une réduction de l’aide internationale, ce qui a valu la démission immédiate de la ministre chargée de ce portefeuille. De même, le parti nationaliste écossais, le SNP, a critiqué la deuxième invitation adressée à Trump.

Depuis son élection, en juillet 2024, Keir Starmer a déçu ses concitoyens, en prenant des mesures impopulaires et en multipliant les erreurs de communication. Certains voient toutefois dans sa nouvelle stature internationale son «moment Falklands» : après un début de mandat difficile et une situation économique ralentie, Margaret Thatcher avait elle aussi réagi de manière tranchée lorsque l’Argentine avait envahi les îles Malouines, alors territoire d’outre-mer britannique. Un épisode qui avait renforcé sa position à l’international, tout en consolidant sa légitimité au Royaume-Uni.

L’autre versant sur lequel Starmer joue est le rapprochement avec l’Europe. Il y a trois ans, l’invasion russe en Ukraine avait déjà raccommodé la relation abîmée entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, dans le ton plus que dans les actes, les désaccords pratiques restant nombreux. Face à un ennemi commun, Londres avait toutefois fait bloc avec les Vingt-Sept. Cette fois, Londres va plus loin, promettant avec la France des troupes en Ukraine pour maintenir la paix, et Starmer se prépare à exhorter les Européens à s’aligner en matière de budget. L’imprévisibilité de Donald Trump pousse encore au rapprochement, au point qu’il est désormais impossible d’imaginer la défense européenne sans le Royaume-Uni. Plus qu’un pont à travers l’Atlantique, c’est une autoroute au-dessus de la Manche que Starmer est en train de se construire.

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