«Parallèlement» : l’hommage de Philippe Lançon à Simon Fieschi

Le journaliste de «Libération» et chroniqueur à «Charlie Hebdo» publie un texte en mémoire de son ami, ancien webmaster dans le journal satirique, mort jeudi 17 octobre à 40 ans. Tous deux avaient été grièvement blessés lors de l’attentat du 7 janvier 2015.

Simon est entré dans ma vie à l’occasion de notre renaissance commune aux Invalides. Il nous a vite baptisés «frères de sang» : nés de nouveau dans et par le sang versé, le nôtre et celui de nos amis. L’image peut paraître emphatique, et même religieuse, ce qui à Charlie serait un comble. Dans son esprit, c’était un constat. Il le faisait d’un ton doux et sec, naturellement stylisé, celui du désespoir amusé et de la tendresse contenue. Simon ? Un cœur blessé et battant, monté sur ergots. Et un esprit qui a raison : il nous a été simplement et curieusement donné de devenir ensemble des «born again» d’un genre un peu particulier, lui à 31 ans, moi à 51. Mais nous n’avions plus d’âge, ou bien nous les avions tous en même temps, la légèreté des uns compensant le poids des autres, et cela, nous l’avons vite senti et compris.

A Charlie, où j’allais une fois par semaine, je n’avais fait que le croiser, petite silhouette amusée, discrète et silencieuse. La rencontre a lieu au printemps 2015. Je viens de passer trois mois à la Salpêtrière, «dans le dur», et je vais maintenant effectuer ma rééducation aux Invalides pour un temps indéterminé. On m’a installé dans une jolie petite chambre avec fenêtre à croisillons et vue imprenable sur la coupole dorée. On me dit que Simon est dans celle d’à côté. Un ami commun, un collègue, est venu nous rendre visite. Jusqu’ici, je n’avais pas osé faire toc toc : entre bonshommes en chambre, on se fiche la paix. Grâce au visiteur,