Une nouvelle arme contre les « sulfateuses à PV » ? Avec un carton, du papier adhésif réfléchissant, un torchon, un mouchoir, voire un masque chirurgical, des automobilistes astucieux des grandes agglomérations françaises ont-ils trouvé le moyen de se soustraire au fameux système de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (Lapi) ? Ce dernier, adopté à Paris, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Rennes ou encore Marseille, permet de contrôler l’acquittement du stationnement de surface. La voiture Lapi passe dans les rues, sa caméra « scanne » les plaques d’immatriculation qui sont comparées en temps réel avec celles enregistrées dans les horodateurs ou dans les systèmes de stationnement résidents. En cas de discordance, la « prune » tombe.
Très logiquement, les automobilistes qui voilent leur plaque rendraient donc le système Lapi « aveugle » les concernant. Et Sébastien Dufour, avocat parisien spécialisé dans la défense des automobilistes, sans les pousser au vice, ne leur donne pas tort dans une vidéo TikTok déjà visionnée 2,8 millions de fois. « Il suffit de cacher sa plaque d’immatriculation pour échapper au système Lapi, puisque la personne qui est dans le véhicule [de contrôle] n’a pas l’autorisation de descendre pour enlever éventuellement le torchon ou le scotch qui est sur la plaque d’immatriculation et donc ça vous évite de vous faire checker la plaque et de recevoir des PV », constate-t-il, devant un scooter orné d’un beau torchon gris duveteux.
Toulouse passe en manuel quand le cas se présente
L’astuce ne marche toutefois pas à tous les coups. Dans la Ville rose, qui utilise des véhicules Lapi depuis le 16 août 2022, la mairie indique être vigilante à ce contournement et trouve au passage « regrettable qu’un homme de loi incite à de tels agissements ». « Peu de cas sont recensés, mais quand les agents de surveillance de la voie publique [ASVP] qui contrôlent le stationnement repèrent ce type de véhicules aux plaques volontairement non visibles, ils le verbalisent manuellement sur place avec leur terminal [35 euros] et, le cas échéant, sollicitent la police municipale pour doubler d’une contravention de 4e classe [à 135 euros] pour plaque illisible », explique la collectivité. Concernant ce dernier point, les agents s’appuient sur l’article R317-8 du Code la route. Il stipule d’abord, rien de plus normal, que « tout véhicule à moteur […] doit être muni de deux plaques d’immatriculation, portant le numéro assigné au véhicule et fixées en évidence de manière inamovible à l’avant et à l’arrière ». Plus loin, le texte précise que « chaque plaque doit être maintenue dans un état d’entretien permettant la lecture des inscriptions qu’elle comporte », sous peine d’encourir la fameuse amende à 135 euros pour plaques illisibles.
Une question « d’interprétation »
Des internautes brandissent d’ailleurs le même article sous la vidéo de Sébastien Dufour pour appeler à la prudence. Mais l’avocat, qui remarque que la technique est particulièrement usitée chez les employés de chantiers parisiens, n’en démord pas. « Il y a un vide juridique », dit-il à 20 Minutes, relevant que le texte est « comme souvent très général », qu’il a été rédigé bien avant que le Lapi vienne révolutionner les contredanses, et qu’il « prête à interprétation ». « On peut considérer qu’une plaque, même masquée, est en évidence, puisqu’elle est à sa place », argumente-t-il.
Et puis, « qui réprimer, demande le spécialiste, quand il n’y a personne au volant ? » La mairie de Toulouse dégaine alors une jurisprudence de la Cour de cassation, en date de 2015 et qui concerne une plaque illisible car en mauvais état. Elle statue que « l’infraction concerne l’équipement du véhicule et non sa conduite et qu’elle peut être relevée même si le véhicule n’est pas en mouvement ». Sébastien Dufour balaie l’argument. « Et si un voisin mal intentionné colle des scotchs dans toute la rue, on verbalise tous les habitants ? », s’interroge-t-il. Bref, tout est question d’interprétation, une fois encore.
D’autres astuces anti-Lapi circulent d’ailleurs comme se garer en se collant de très près à une autre voiture, protéger son scooter avec une automnale bâche antipluie ou encore le garer en épi, le « cul » côté façades.
Enfin, ce débat n’est valable que pour le stationnement. Quand on truande sur la route, en badigeonnant sa plaque de graisse comme le font certains motards, ou en modifiant chiffres et lettres avec de l’adhésif noir pour des raisons inavouables, il n’y a pas photo.
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