En Syrie, les Kurdes renoncent au fédéralisme et acceptent d’intégrer le nouvel Etat

En Syrie, les Kurdes renoncent au fédéralisme et acceptent d’intégrer le nouvel Etat

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Pour l’occasion, Mazloum Abdi, le dirigeant kurde et chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), a troqué son treillis habituel pour un costume. Sur la photo officielle, il est assis à la droite du président syrien par intérim Ahmed al-Charaa, lui aussi en costume. Derrière eux, deux drapeaux de la Syrie. Les deux hommes ont signé lundi 10 mars un accord historique. Les forces kurdes, qui contrôlent le nord-est du pays, acceptent d’être intégrées, tant au niveau civil que militaire, au nouvel Etat syrien. Une fragmentation du pays, épuisé après treize ans de guerre et cinquante-quatre ans de dictature de la famille Assad, est aujourd’hui beaucoup moins probable.

La date de cet accord ne doit rien au hasard. Ahmed al-Charaa a traversé vendredi et samedi la crise la plus grave et dangereuse depuis sa prise de pouvoir le 8 décembre. Des affrontements entre des loyalistes de l’ancien régime et les nouvelles forces de sécurité ont dégénéré dans les environs de Tartous, sur la côte méditerranéenne, en vengeances massives. Selon le dernier bilan du Réseau syrien des droits de l’homme (SNHR), 420 civils, en très grande majorité alaouites, et des combattants désarmés ont été abattus par des factions liées à l’actuel gouvernement. Les loyalistes auraient eux tué 211 civils, d’après la même source. Une commission d’enquête a été nommée. «Il y a quelques mois, Ahmed al-Charaa disait qu’il réunifierait la Syrie soit avec un accord, soit avec une intervention militaire, explique le chercheur Félix Legrand. L’option militaire contre les FDS n’était plus possible aujourd’hui, elle aurait été suicidaire. Al-Charaa n’a pas la capacité d’ouvrir un deuxième front, en plus de celui dans l’ouest. Cela aurait aussi empêché la levée des sanctions. Damas et les Kurdes ont choisi l’option la plus raisonnable, celle de la non-confrontation.»

L’accord signé lundi affirme que «la communauté kurde est une composante essentielle de l’Etat syrien», qui «garantit son droit à la citoyenneté et l’ensemble de ses droits constitutionnels», tout en rejetant «les appels à la division, les discours de haine et les tentatives de semer la discorde entre les différentes composantes de la société syrienne». Une allusion directe aux tentatives d’Israël, et dans une moindre mesure de l’Iran, de jouer sur les divisions communautaires pour affaiblir le pouvoir central. Alors que l’accord venait d’être signé, l’aviation israélienne a d’ailleurs bombardé des positions militaires dans la province de Deraa (Sud).

Les modalités de l’accord signé lundi restent à préciser. En l’état, le texte reste vague sur la façon dont l’appareil kurde sera intégré à l’Etat syrien. Les Kurdes ont créé leur propre administration et forces militaires dans le nord-est ; celles-ci seront-elles disséminées dans la future armée ou seront-elles intégrées en bloc, en conservant leur hiérarchie ? Même interrogation concernant l’administration autonome : sera-t-elle totalement dissoute ou intégrera-t-elle seulement des fonctionnaires venus de Damas ou d’autres régions ? «Le texte est suffisamment flou pour que chaque partie puisse l’interpréter comme cela l’arrange», note Félix Legrand.

Un accord, même imprécis, était ouvertement souhaité depuis plusieurs semaines par l’administration américaine et plusieurs autres pays occidentaux, dont la France. «Nous poussons Mazloum Abdi à abandonner son treillis militaire pour un costume politique», expliquait récemment une source diplomatique. L’armée américaine dispose d’environ 1 800 soldats dans le nord-est syrien. Concentrés sur la lutte contre l’Etat islamique, qui a toujours des cellules dans la région, ils permettent aussi de contenir les velléités d’intervention armée de la Turquie contre les forces kurdes.

Cette hypothèse, alors que personne ne sait si l’administration Trump va désengager ou non les troupes américaines, est devenue beaucoup moins probable depuis que le chef du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) Abdullah Ocalan, détenu depuis vingt-six ans, a appelé le 27 février à la cessation des combats et à la dissolution du mouvement. Le parti au pouvoir dans le nord-est de la Syrie, le PYD, est le pendant syrien du PKK. Pour marquer son basculement dans la sphère politique, les Occidentaux ont demandé à Mazloum Abdi de renvoyer en Irak les principaux cadres du PKK présents en Syrie, soit moins de dix personnes. Dans la nuit de lundi à mardi, des manifestations de joie saluant l’accord ont éclaté dans le nord-est syrien, y compris à Qamichli, le siège du pouvoir des autorités kurdes.

Libération

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