Le gardien du PSG Gianluigi Donnarumma, un grand de velours

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Gianluigi Donnarumma est un homme assez secret, méfiant. Pas du genre à lâcher le mot de trop. Mardi 11 mars, dans un couloir du stade d’Anfield, une petite heure après la qualification arrachée de très haute lutte par le Paris Saint-Germain (1-0, 4-1 aux tirs au but après la défaite 0-1 à l’aller), le grand (1,96 mètre) gardien italien du club de la capitale s’est pourtant arrêté devant un micro de Sky Sport Italia, parler à des compatriotes lui donnant sans doute un surcroît de confiance.

Le natif de Castellammare di Stabia, au pied du Vésuve, a commencé par aligner quelques banalités collectives comme on prend les mesures, toutefois conclues par celle-là : «Nous avons su souffrir.» Puis, il a vidé son sac : «Je vois passer beaucoup de critiques de la part des journalistes, si on peut les appeler ainsi. Ils ignorent le rôle du gardien de but. Au match aller, nous avons concédé un tir [deux, en fait, ndlr] et ce tir s’est transformé en but. On a raconté que c’était de ma faute, que je n’étais jamais décisif. Mais je ne m’arrête pas à ça. Je pense toujours à sourire, à donner le meilleur de moi-même et à travailler pour l’équipe.» Mardi, celui qui fut élu en 2021 meilleur joueur d’un Euro remporté par la sélection italienne était partout.

A la retombée d’une tête piquée de l’attaquant de Liverpool Luis Díaz pour faire l’albatros, l’image tournant depuis en boucle de l’autre côté des Alpes. Dans les airs, où son courage et ses prises de risque pour secourir une défense dominée a mis en échec une équipe anglaise disposant «de l’un des meilleurs jeux aériens d’Europe», selon Luis Enrique, le coach parisien. Etalé de tout son long sur l’herbe grasse pour feindre la blessure et permettre à son équipe, asphyxiée, de recouvrer ses esprits après une minute trente de break. Et enfin, tout au bout de la nuit, en rempart pour faire échec aux tentatives de Darwin Núñez et Curtis Jones lors d’une séance de tirs au but où l’approche à la fois clinique et relâchée du squad parisien, staff technique, gardien ou tireurs, a frappé certains témoins directs. Donnarumma s’est donc donné le droit d’en profiter.

Buteur parisien du soir à l’autre bout du terrain, l’international tricolore Ousmane Dembélé a été invité à s’exprimer sur la performance majuscule du portier : «Gigio… c’est un gardien exceptionnel. Il l’a montré avec l’Italie, avec le Paris-SG… et il n’a que 25 ans [26 ans, ndlr], donc le meilleur est à venir pour lui. Mardi, il a répondu présent. Il a toute la confiance du club, du staff, des joueurs.» On peut bien sûr entendre la volonté, obsessionnelle dans le cas des joueurs de la capitale puisqu’ils se savent toujours plus seuls ici qu’ailleurs, de protéger leur voisin de vestiaire. Après, on n’est pas obligé de croire Dembélé non plus.

Depuis août 2023 et l’arrivée de Luis Enrique sur le banc parisien, le gardien italien a été progressivement installé dans un rôle étrange, ubique, épousant les avatars sportifs de l’équipe de la capitale. Depuis une semaine et la défaite initiale contre Liverpool, Donnarumma était ciblé. Difficile pourtant de lui mettre sur le dos un but anglais entaché d’un duel perdu par le capitaine brésilien Marquinhos puis d’une erreur de marquage de minime première année du défenseur portugais Nuno Mendes mais voilà, le nom du gardien transalpin est venu alimenter les débats, sous le prétexte fourre-tout d’un «pas suffisamment décisif», pouvant d’autant mieux passer auprès de l’opinion que son vis-à-vis, Alisson Becker, avait arrêté tout ce qui s’était présenté à lui. Juger le match d’un gardien au regard de celui, forcément circonstancié, de son adversaire du soir, n’a pourtant aucun sens dans le milieu.

Et on en connaît certains qui n’auraient jamais laissé dire. Mais le Paris-Saint-Germain est un club où l’on assume en silence, quoi qu’on raconte autour. Et Donnarumma est familier du rôle de paratonnerre médiatique. La saison passée, les joueurs de champ parisiens n’avaient pas été fichus de mettre un but lors des deux demi-finales aller-retour de Ligue des champions (0-1, 0-1) contre le Borussia Dortmund, canonnant les poteaux à six reprises, mais c’est encore Donnarumma qui avait écopé pour n’être pas sorti sur le corner amenant le but de Mats Hummels au Parc des Princes. Pas impossible, du reste, que l’intense activité et le rayonnement de l’international italien à Anfield prennent leur source dans les débriefings musclés qui avaient suivi l’élimination face aux Allemands.

Très tôt diagnostiqué comme un phénomène, parfois à la limite de la bête de foire dans un championnat italien où il a été titularisé dans les bois du Milan AC à 16 ans, Donnarumma est de fait encore un joueur perfectible, jeune pour le poste et parfois en mal de repères. Notamment dans un environnement médiatique qu’il craint, même si sa voix de stentor et son quasi double-mètre ne le laissent pas instinctivement supposer. Il a cependant compris que le plus simple était encore de se taire. Quand le Napolitain de formation a vu débarquer en juin, au Campus PSG de Poissy, le gardien international russe Matvey Safonov pour quelque 20 millions d’euros, il n’a rien dit. Quand ce même Safonov a fait savoir, via une interview à un journaliste de son pays, n’avoir jamais entendu de la bouche des dirigeants parisiens être venu dans la peau d’un numéro 2, laissant ainsi entendre qu’il est venu piquer la place de l’Italien, il n’a pas pipé mot non plus.

Quand il a été écarté au profit de Safonov lors de l’entrée des Parisiens en Ligue des champions face à Gérone (1-0, le 18 septembre) ou encore à Munich (0-1, le 26 novembre) pour un jeu au pied médiocre et handicapant dans le contexte (Luis Enrique l’a pratiquement dit comme ça), on n’a pas plus entendu Donnarumma. Et quand le club a laissé fuiter en décembre un intérêt pour le Lillois Lucas Chevalier, programmé pour prendre à moyen terme le magistère en équipe de France et qui ne prendra pas le risque d’avoir un concurrent du niveau de l’Italien s’il consent à débarquer dans la capitale, il a ravalé sa frustration et sa colère.

Elle est cependant sortie mezzo voce, le 22 janvier, dans un couloir du Parc, après un succès contre Manchester City (4-2) qui ouvrait la route des 8e de finale au club parisien : «Il y a tellement de rumeurs… La vérité est que je suis bien au Paris-SG. Et que tout le monde m’aime et m’estime. Je suis très bien, je me suis installé [dans la capitale avec sa famille] et ma priorité est de prolonger mon contrat ici.» Celui-ci court jusqu’en 2026. Autant dire demain, ce qui relativise l’amour et l’estime évoqués par un joueur qui n’y croit pas plus qu’il n’y a de beurre en branche. Et qui devine forcément le jeu subtil de certains dirigeants le fragilisant pour mieux lui reprocher ses inconstances ensuite, ce qui leur permettrait de tirer l’échelle. Ce sera désormais beaucoup plus difficile après la performance majuscule de Donnarumma à Anfield. Dieu merci, les matchs des uns et des autres définissent encore l’essentiel des équilibres.

Libération

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