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C’est un message qui suscite l’inquiétude du collectif «Nés sous X d’ici et d’ailleurs». Sur le site internet de La Famille adoptive française, est écrit que l’association qui a confié 8 500 enfants depuis 1946, fermera définitivement ses portes samedi car elle n’a «plus la possibilité d’agir». Au cœur des préoccupations du collectif : l’avenir des archives de l’association. «On ne veut pas qu’elles disparaissent comme par magie après la fermeture», explique à l’AFP Erik Pilardeau, cofondateur de ce collectif.
Le collectif «Nés sous X» craint que l’association ne fasse disparaître ces documents susceptibles de confirmer leurs soupçons de pratiques illégales. Il a effectué jeudi un signalement de la situation auprès du procureur de Paris. Restitution de dossier partielle, absence de documents obligatoires : «vu le nombre d’irrégularités qu’il y a, on demande d’enquêter sur ces archives», souligne auprès de l’AFP Inès Chatin, membre du collectif.
Notre enquête
Elle-même a porté plainte contre son processus d’adoption, organisé par la Famille adoptive française et truffé d’irrégularités. Elle a notamment été placée temporairement dans une pouponnière défaillante de l’association, comme l’a révélé Libération.
Véronique Dauchez, également adoptée via cette structure, n’a pas pu consulter l’intégralité de son dossier, malgré ses demandes. «Pourquoi on ne me donne pas tous les papiers ?», interroge-t-elle. Sollicitée, la Famille adoptive française n’a pas souhaité réagir. Elle assure sur son site qu’elle va se «conformer» à la loi et verser ses archives à celle du département de Paris, probablement «fin mai».
Outre Famille adoptive française, d’autres associations ont organisé des adoptions d’enfants nés en France, entre les années 1940 et 1970. Bien que la loi du 17 juillet 1978 instaure un droit d’accès des citoyens aux documents administratifs, des nés sous X témoignent de leur difficulté à obtenir les documents susceptibles d’éclairer leur origine.
Adopté via une petite structure francilienne, Jean-Pierre a notamment sollicité la maternité où il est né, qui lui a répondu que les «archives avaient brûlé». Claude Jeauneau, dont l’adoption a été organisée en 1948 par les Berceaux de Rouen, a elle contacté «l’association, la paroisse, la préfecture, le conseil général» sans résultat. «On est beaucoup à être passés par les Berceaux de Rouen et à avoir fait des recherches, mais on se heurte à un mur, il n’y a rien», déplore-t-elle. Comme d’autres, cette association est mise en cause par des témoignages.
Enfant confié contre la volonté d’un parent biologique, non-respect des délais légaux avant de procéder à l’adoption ou versement d’argent à l’association à la suite de celle-ci… Entre les années 1940 et 1970, «des pratiques illicites ont existé, on a des témoignages, des traces dans quelques dossiers mais il faut réaliser une étude pour voir si c’étaient des cas particuliers ou si c’était plus courant», résume Yves Denéchère, professeur d’histoire à l’université d’Angers. Ce spécialiste de l’adoption travaille au lancement d’un vaste projet de recherche. Pour l’heure, il est impossible, selon lui, d’estimer combien d’enfants auraient été victimes de pratiques illégales dans le cadre de leur adoption.
Ces dérives auraient été favorisées par le contexte sociétal de l’époque, une France d’après-guerre où l’avortement était interdit et les naissances hors mariages jugées honteuses. Dans les années 1960, on en enregistrait seulement 50 000 par an, soit 6 % du total des naissances, selon des chiffres officiels. Ces adoptions «arrangeaient tellement de gens», par exemple les «familles bourgeoises» qui «avaient besoin d’un héritier pour transmettre leur nom et leur patrimoine», avance la journaliste Patricia Fagué, qui a publié Nés sous X, une enquête sur les dérives du secteur de l’adoption en France.
Droit de suite
Elle décrit «un système parfaitement huilé» où les associations «profitaient de la vulnérabilité des jeunes filles-mères» en les incitant à abandonner leur bébé, sans les informer de leurs droits, pour revendre leurs enfants aux adoptants. À partir des années 1970, nombre d’entre elles ont cessé leur activité en raison de l’évolution des lois encadrant l’adoption en France.
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