Jean-Michel Aphatie sur l’Algérie : «J’ai choqué, je le sais, mais ce que la France a fait m’a profondément choqué»

J’ai choqué, je le sais.

Entendre un matin à la radio que l’on écoute que «les nazis, en 1944, ont fait à Oradour-sur-Glane ce que les Français avaient fait avant eux en Algérie», c’est-à-dire raser des villages, et par centaines, c’est évidemment trop lourd et finalement insupportable.

Je vis depuis des années avec un sentiment d’injustice enfoui en moi. Passionné par l’aventure de Charles de Gaulle, admiratif du chef-d’œuvre de manigances qu’a constitué son retour au pouvoir en mai 1958, je suis tombé nez-à-nez avec l’Algérie française, puisque c’était la cause de ce retour. J’étais jeune. Je n’avais aucun lien avec cette histoire, pas d’ascendants qui avaient fait la guerre là-bas, pas de descendants de pieds-noirs rencontrés ici. Je me suis approprié cette réalité lentement, au fil des lectures. Sans y croire d’abord : comment était-ce possible ? Puis en hésitant à relier entre eux ces récits, ces témoignages, ces douleurs, ces horreurs qui ont fini par construire un système.

J’ai mis longtemps à en parler, autour de moi d’abord, sur les plateaux de télévision ensuite. Beaucoup de gens m’ont dit : «Mais pourquoi tu t’intéresses à ces vieilleries ?» Ali Baddou, journaliste, qui présentait sur France 5 une émission à laquelle je participais, m’a dit : «Vas-y !» J’ai eu longtemps le sentiment de ne pas être écouté, ni même entendu. J’ai continué.

La France a conquis Alger le 5 juillet 1830, puis le reste du pays à partir de 1840. Elle a assassiné les femmes