Fabien Clouette : «Cet individu sauvage qui choisit de passer sa vie auprès des humains est-il un “vrai” dauphin ?»

Lorsqu’il surgit en Gironde, en 2014, les surfeurs le baptisent «phoque You». Grand amateur de contacts avec les humains, ce phoque amuse les plagistes et attire les touristes. Une page Facebook lui est même consacrée ; elle comptera 13 000 abonnés. Dans Des vies océaniques : quand des animaux et des humains se rencontrent («la Couleur des idées», Seuil, sortie le 15 mars), Fabien Clouette, chargé de recherches au CNRS, anthropologue spécialiste de la pêche et des milieux aquatiques, relate les parcours singuliers de phoques, de dauphins ou d’orques avides de contacts avec les humains.

Ces comportements, que d’aucuns jugent «déviants», interrogent : on ignore ce qui pousse ces grands mammifères marins à s’éloigner de leurs semblables pour venir à notre rencontre. L’impact des activités humaines sur l’univers de ces grands mammifères est-il responsable de ces comportements ? Fabien Clouette s’attarde sur le cas des orques du «clan des Gladis» : entre l’été 2020 et début 2024, elles ont multiplié les contacts plus ou moins violents avec des bateaux, notamment des voiliers, dans le détroit de Gibraltar. Bilan de 800 «interactions» : plus de 300 navires endommagés et quelques naufrages. Or, les orques, qui peuvent vivre jusqu’à 90 ans, ont vu les populations de thons évoluer, le trafic maritime s’intensifier. Même leur corps porte les stigmates des activités humaines : traces de filets de pêche ou de collisions avec des navires.

Une autre question se dégage de ces récits :