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«Une agression sexuelle n’est pas un secret d’Etat.» L’ancienne espionne de la CIA Rachel Cuda a décidé de briser le silence qui règne au sein de la nébuleuse agence de renseignement, en témoignant avoir été victime en 2022 d’une agression sexuelle de la part d’un autre agent, identifié comme Ashkan Bayatpour par le Washington Post. La plainte déposée, ses révélations, faites à l’édition américaine du magazine Elle, font l’effet d’un coup de tonnerre, alors que débute cette semaine le procès en appel qu’elle a intenté contre son agresseur. Un témoignage qui amorce peut-être le début d’un #MeToo au sein de ces institutions du renseignement placées sous le sceau du secret.
Rachel Cuda intègre la CIA en 2022. Elle est jeune, intelligente, polyglotte et rejoint aisément les rangs de la prestigieuse agence, détaille-t-elle dans Elle, et y découvre un travail «incroyable et passionnant». Tout se passe à merveille, jusqu’au jour où, raconte-t-elle, un agent la suit dans une cage d’escalier et l’agresse sexuellement. Elle rapporte qu’il aurait tenté de l’embrasser de force et de l’étrangler avec un foulard. L’agente décide alors d’en parler à sa hiérarchie, mais elle se heurte à un mur. «J’ai eu une longue carrière dans des secteurs dominés par les hommes, mais rien de tel ne m’était jamais arrivé auparavant. La CIA m’a clairement fait comprendre qu’elle n’allait pas me protéger», confie-t-elle dans les pages du magazine.
«Ils voulaient protéger la réputation de la CIA»
«Nous ne vous dirons pas où se trouve votre agresseur. Nous ne vous protégerons pas de lui», lui rétorquent ses employeurs lorsqu’elle s’adresse à eux pour trouver du secours. «Ils voulaient protéger la réputation de la CIA au lieu de protéger leur propre personnel», déplore-t-elle. La situation est si éprouvante que l’idée de mettre fin à ses jours lui traverse l’esprit. Elle trouve cependant de l’aide auprès de professionnels et abandonne cette idée, mais décide de porter plainte, alors qu’une enquête interne avait blanchi son agresseur.
La CIA lui demande de taire le nom de l’agence si elle entame des procédures judiciaires, lui assurant qu’elle violerait alors la politique de confidentialité autour de l’institution, mais Rachel Cuda s’y refuse. Le procès se déroule en août 2023, au tribunal de l’Etat de Virginie, où se trouve le siège de la CIA, où elle se rend pour témoigner. La justice américaine condamne son agresseur pour «coups et blessures», et non pas pour agression sexuelle, et celui-ci fait appel. Un an plus tard, la procédure recommence, et s’est ouverte lundi 28 octobre. Au Washington Post, Ashkan Bayatpour assure «n’avoir d’aucune façon mis en danger cette personne, ni ne l’ai blessée ou tenté de l’embrasser».
Ouvrir la voie
L’ancienne agente compte bien mener la procédure à son terme, même si ses employeurs ne la soutiennent pas. «Je suis la première à franchir le pas», confie Rachel Cuda. «Je vais m’en charger» ajoute-t-elle, «pour que d’autres puissent le faire après moi». L’ancienne agente a vu juste, car après elle, des dizaines de femmes travaillant au sein de la CIA ont également entamé des procédures judiciaires pour témoigner de harcèlement et d’agressions sexuelles, notamment devant une commission d’enquête du congrès.
Tant et si bien que la puissante agence de renseignement a ouvert une enquête à ce sujet, admettant que «la formation des employés sur la manière d’identifier et de signaler les cas d’agression sexuelle et de harcèlement est inefficace», et que «la procédure de signalement est confuse et désordonnée». La CIA reconnaît également le fait que les victimes aient été dissuadées de se manifester, en raison d’injonctions à la confidentialité dans leur travail. Le document conclut avec l’annonce d’une nouvelle procédure, invitant désormais les victimes à témoigner, assurant que cette fois, elles seront soutenues.
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