A mi-parcours, la COP16 biodiversité navigue entre avancées et manque de fonds

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Une semaine après l’ouverture du sommet onusien, à Cali en Colombie, qui doit s’achever ce vendredi 1er novembre, de gros points de blocages persistent, notamment au sujet du financement et du partage équitable des bénéfices liés aux ressources génétiques.

Comment les objectifs de l’ambitieux accord de Kunming-Montréal de 2022 seront-ils mis en œuvre par les Etats du monde entier ? C’est la grande question à laquelle devront répondre les 196 parties signataires de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CBD) réunis à la COP16 biodiversité à Cali, en Colombie, depuis le 21 octobre et jusqu’au 1er novembre. Pour «stopper et inverser» d’ici 2030 la destruction des terres, des océans et des espèces vivantes, la feuille de route entérinée lors de la COP15 de Montréal a fixé 23 objectifs mondiaux : protéger 30 % des terres et mers, restaurer 30 % des écosystèmes dégradés ou encore réduire de moitié les pesticides et le taux d’introduction d’espèces exotiques envahissantes… Charge désormais aux parties de la CDB de se mettre d’accord sur la façon de procéder.

Vendredi, Susana Muhamad, présidente de la COP16 et ministre colombienne de l’Environnement, s’est félicitée des «très bons progrès dans les négociations». Les avancées sont même «assez remarquables», a surenchéri la directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), Inger Andersen. Si les organisateurs se veulent optimistes sur le rythme des négociations, dans les salles à huis clos où ambassadeurs et autres représentants des différentes délégations échangent, la réalité est plus délicate.

Plantes, espèces sauvages : les points les plus faciles ont déjà été négociés

«Comme on pouvait s’y attendre à la mi-COP, les points les plus faciles à négocier l’ont été, à l’instar de la conservation des plantes et de la gestion durable des espèces sauvages», analyse Juliette Landry, chercheuse sur la gouvernance de la biodiversité à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Si aucun consensus n’a encore été trouvé, les discussions ont aussi été fructueuses sur les modalités de transparence de la revue mondiale de la biodiversité qui culminera à la COP17 dans deux ans – bilan mondial équivalent au Global Stocktake pour le climat. Autre point positif, les négociations concernant les liens entre climat et biodiversité «avancent bien», abonde la spécialiste. Les négociateurs sont également sur le point de s’accorder sur une mesure visant à reconnaître et à mieux inclure les populations autochtones dans la prise de décision en matière de biodiversité.

En revanche, deux grands blocages persistent sur les principaux objectifs de cette COP16 : le financement – nerf de la guerre – et la question du partage équitable des bénéfices liés aux ressources génétiques – les fameux DSI, pour Digital Sequence Information en anglais. A tel point qu’«à mi-chemin, la négociation est en train de complètement changer de dimension, s’inquiète auprès de Libé Arnaud Gilles, responsable négociations internationales au WWF France. On n’est en est plus à donner un coup d’accélérateur à l’accord de Montréal, mais à en sauver la dynamique». Concernant les DSI, les discussions, qui ont surtout porté sur l’allocation et le déboursement des fonds, restent «très laborieuses, confirme Martine Hossaert, directrice de recherche au CNRS et représentante scientifique au sein de la délégation française à Cali. Le sujet est complexe, on espère que cela se décoincera d’ici vendredi».

Même constat pour le financement global des objectifs de Montréal. Les pays en voie de développement, groupe Afrique en tête, suivi par le Brésil et l’Argentine, réclament la création d’un nouveau dispositif d’aide, mettant en avant leurs difficultés – notamment administratives – à bénéficier des ressources du Fonds mondial pour l’environnement (FEM). Pour le négociateur brésilien, André Aranha Corrêa do Lago, les financements devraient ainsi être principalement alloués aux Etats du Sud, là où se trouve la biodiversité. «La voix des pays qui supportent un fardeau plus lourd devrait compter davantage dans le système de gouvernance du FEM», argue-t-il.

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Aujourd’hui, sur les 150 milliards de dollars (139 milliards d’euros) dédiés au financement de la biodiversité à l’échelle de la planète, «75 à 80 % sont dans les budgets nationaux du Nord, pour protéger «leur» biodiversité, tandis que les 20 % restants sont dans les budgets des Suds et dans les flux de solidarité de l’aide au développement, illustre Gilles Kleitz, directeur scientifique adjoint de l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Or, force est de constater que ces budgets de solidarité ne sont pas au top des priorités politiques du moment pour de nombreux pays riches». En comparaison, les subventions préjudiciables à l’environnement représentent 300 milliards de dollars.

Réformer le système financier international

De leur côté, l’Union européenne (UE) et la France estiment que la création d’un nouveau fonds ne permettra pas forcément de mobiliser plus de ressources. Cela «serait une perte de temps, a avancé la directrice générale du département Environnement de la Commission européenne, Florika Fink-Hooijer. Nous devrions plutôt retravailler notre stratégie globale de financement». Même son de cloche du côté d’Agnès Pannier Runacher, présente dans la ville colombienne depuis lundi. La ministre française de la Transition écologique considère qu’il vaut mieux travailler «sur l’existant» tout en se disant «ouverte» à accueillir des idées innovantes pour financer la biodiversité, à l’instar des crédits biodiversité.

La présidente de la COP16, Susana Muhamad, a quant à elle pointé la nécessité de réformer le système financier mondial, en menant des discussions avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Le but étant de réduire le fardeau de la dette des pays en développement pour qu’ils puissent investir davantage dans la nature. «La question du financement des banques multilatérales de développement sur la biodiversité est primordiale, ajoute Sébastien Treyer, directeur de l’Iddri. Sur les 15 milliards de dollars que l’OCDE a recensés en 2022 comme étant des flux financiers Nord-Sud pour la biodiversité [l’objectif instauré à Montréal est d’atteindre 20 milliards en 2025 et 30 milliards en 2030, ndlr], la partie ayant le plus augmenté concerne justement ces banques-là.»

Ce mardi, l’arrivée de six chefs d’Etat – majoritairement de pays du Sud, à l’exception du président arménien – et d’une centaine de ministres pourrait permettre aux discussions de sortir de l’impasse. Plusieurs gouvernements occidentaux – dont la France –, ont ainsi annoncé lundi en fin de journée 163 millions de dollars de nouveaux engagements en faveur du Fonds mondial pour la biodiversité, faisant grimper ce dernier à un peu plus de 400 millions de dollars au total. Encore très loin du milliard de dollars espéré par les pays du Sud.

«Nous avons besoin d’être rassurés, pointe Arnaud Gilles. Les points de blocages existaient déjà à Montréal où des compromis temporaires avaient été trouvés. Le fait de constater que, deux ans plus tard, les divisions restent identiques et massives, laisse penser que l’accord de Kunming-Montréal pourrait être inapplicable, faute de financements suffisants.» Pour David Ainsworth, porte-parole onusien, si l’intensité des débats de la semaine passée souligne l’engagement des Etats, dans certains cas, cela met surtout en évidence, «le niveau de confiance relativement bas» entre les pays. Et de conclure : «Tout reste encore à faire en cette deuxième semaine.»

Libération

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