50 polars pour 50 Etats : une ville du vice au Nevada, des mormons dans l’Utah, des démons blancs en Arizona

50 polars pour 50 Etats : une ville du vice au Nevada, des mormons dans l’Utah, des démons blancs en Arizona

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Elections américaines 2024

Élections américaines de 2024dossier

A l’occasion de la présidentielle 2024 aux Etats-Unis, «Libération» et la librairie «le Comptoir des mots» explorent le pays à travers 50 romans noirs. Cinq nouvelles étapes avec, notamment, José Luis Muñoz, Tony Hillerman et Benjamin Whitmer

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Avec Théodore Dillerin de la librairie «le Comptoir des mots», dans le XXe arrondissement de Paris, l’équipe de Libé Polar a constitué une liste de 50 polars couvrant les 50 Etats d’Amérique. A la veille d’une présidentielle cruciale pour l’avenir des Etats-Unis et de la planète, il nous a paru important de mettre en avant un genre qui permet aujourd’hui de mieux comprendre le monde. Cette liste de polars est forcément subjective, il nous a fallu faire des choix drastiques, mais l’ensemble raconte formidablement bien les fractures de la société américaine, le racisme toujours présent, la montée de la violence, les inégalités sociales, mais aussi les paysages sublimes, les opportunités pour qui ose tenter sa chance, le rêve américain en somme, ou ce qu’il en reste.

Nevada

La ville du vice de José Luis Muñoz

«Ceci n’est pas une brume de chaleur, ami conducteur qui approche de ce mirage du désert du Nevada, ceci est Las Vegas, la magie de l’enfer, où tous, absolument tous tes rêves deviennent réalité… y compris les plus coupables.» Alors que sa voiture tombe en carafe aux abords de Las Vegas, Mike Demon, vendeur de polices d’assurances agricoles et archétype du pauvre type ordinaire se voit contraint de séjourner dans la ville du vice le temps que le garage fasse les réparations nécessaires. Seulement voilà, tout le monde n’est pas taillé pour résister aux appels du jeu et de la dépravation. Sous les néons allumés vingt-quatre heures par jour et sept jours par semaine défile une foule de gamblers possédés. Cédant au chant des sirènes d’une Vegas ensorceleuse, se mélangent les gagnants du rêve américain et ceux qui comptent sur leur chance pour le toucher du doigt. L’auteur espagnol José Luis Muñoz égratigne une Amérique du fric qui fait croire à ses ouailles que la fortune est au bout de la table de black-jack pour mieux les plumer. Un roman noir aussi entêtant que les mirages d’une Vegas plus babylonienne que jamais. Th.D.

José Luis Muñoz, Babylone Vegas, 2010. Traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco, Actes Sud – Babel Noir, 288 pp., 8,20 €, (ebook : 7,99 €).

Utah

Les mormons de Cate Quinn

Quel bel État que l’Utah, ses parcs nationaux aux vastes étendues, ses canyons aux profondeurs abyssales, ses montagnes majestueuses et… ses mormons. C’est en effet là que cette communauté religieuse aussi secrète que fascinante a fondé la ville de Salt Lake City au XIXe siècle. Loin de la ville et des regards, Blake Nelson a construit son ranch dans le désert afin d’y attendre la fin du monde en compagnie de ses trois épouses : Rachel la pieuse, Tina l’ancienne camée en quête de rédemption et Emily la dernière arrivée. Lorsque Blake est retrouvé mort, les soupçons s’orientent inévitablement vers les trois femmes qui ont toutes une bonne raison de vouloir se débarrasser de leur mari. De plus, elles semblent bien décidées à protéger de lourds secrets qu’elles ne souhaitent pas voir éclater au grand jour. Prenant une forme chorale, Les Trois épouses de Blake Nelson va entremêler les voix de ces femmes engagées dans un mariage polygame pour le meilleur et surtout pour le pire. Au-delà de l’intrigue policière honnêtement ficelée, l’intérêt majeur du roman se trouve dans la radioscopie du mode de vie mormon mais également dans le travail de recherche effectué par Cate Quinn sur les dérives de la secte bâtie par Warren Jeffs, un gourou ayant compté pas moins de 78 épouses dont la moitié étaient mineures et qui se trouve aujourd’hui derrière les barreaux d’une prison. Th.D.

Cate Quinn, les Trois Epouses de Blake Nelson, 2021. Traduit par Maxime Berrée, Pocket, 592 pp., 9,70 €, (ebook : 13,99 €)

Arizona

Les démons blancs de Tony Hillerman

Quelques éléments biographiques sont nécessaires pour comprendre les choix littéraires de Tony Hillerman (1925-2008). Né en Oklahoma, cet écrivain d’origine germano-anglaise est élevé et éduqué parmi les indiens Pottawatomies et Séminoles. Journaliste, enseignant, il écrit son premier roman en 1970, la Voie de l’ennemi, situé sur terrain indien avec l’un de ses personnages de prédilection, le lieutenant de police navajo, Joe Leaphorn. C’est en 1980 que Jim Chee, son second, plus jeune, le rejoint comme sergent de la police tribale dans le Peuple de l’ombre. On retrouve les deux flics dans le splendide Coyote attend, paru en 1990 et devenu un classique. Tout commence par une drôle d’histoire de vandale qui s’amuse à peindre en blanc la crête d’une montagne. C’est Delbert Nez, policier navajo, qui tente d’arrêter ce peintre fou mais il est tué et brûlé dans sa voiture. Cependant l’essentiel, comme chaque fois avec Hillerman, est dans le rythme du roman, les informations sur les coutumes indiennes, la traque des «démons blancs» qui veulent effacer la culture navajo, le rêve d’harmonie primitive. Sans oublier le paysage et l’écriture de cet ethnologue qui a tout d’un magicien. Ch.F.

Tony Hillerman, Coyotte attend, 1990. Traduit par Pierre Bondil, Rivages Noir, (poche) 280 pp, 9,70 €

Colorado

L’Amérique de Reagan de Benjamin Whitmer

Colorado, 1986. Dans la ville ouvrière de Plainview, tout le monde travaille de près ou de loin pour l’usine de plutonium. Lorsque Randy, le fils de Hank Turner disparaît, rares sont les âmes charitables prêtes à donner un coup de main pour retrouver l’adolescent. Le fait que Hank ait parlé au journal local des conditions de travail de l’usine ne semble pas y être complètement étranger. «Garde la merde à hauteur de tes chaussures.» Tel est le mantra que Hank ne cesse de répéter à longueur de journée, comme pour tenter de repousser cette fange dans laquelle il patauge. Le ton est donné. Benjamin Whitmer, auteur des très remarqués Pike et Evasion, nous offre là un roman magistral. Sous des allures de thriller, ce polar au rythme lent se révèle être une peinture crue de la violence sociale qui sévit dans un trou paumé des Etats-Unis. Si l’action se déroulait aujourd’hui, il y a fort à parier que les personnages arboreraient un autocollant Trump à l’arrière de leur pick-up. L’intrigue ayant lieu en 1986, c’est une photo de Ronald Reagan que le personnage principal a fait encadrer dans sa cuisine. Ce même Reagan qui voulait rendre sa grandeur à l’Amérique et qui n’aura pas vu son slogan devenir, trente ans plus tard, le cri de ralliement d’un pays déclassé confiant son destin entre les mains d’un milliardaire prêt à tout promettre pour se faire élire. Th.D.

Benjamin Whitmer, Dead Stars, 2024. Traduit par Jacques Mailhos, Gallmeister, 592 pp., 26,90 €, (ebook : 18,99 €).

Nouveau-Mexique

Le «true crime» de Fredric Brown

George Weaver, agent immobilier porté sur la bouteille décide de passer l’été loin de sa femme dans la ville de Taos, au Nouveau-Mexique. Là, un de ses amis lui propose un bon plan : habiter une maison pour trois fois rien car celle-ci est invendable depuis qu’une jeune femme y a été assassinée. Evidemment, Weaver fait ce qu’il ne faut pas faire, il accepte le deal, devient obsédé par cette sordide histoire et se met en quête d’élucider le mystère : «Il se resservit du vin en se disant qu’il n’allait pas tarder à devenir cinglé s’il n’arrêtait pas de penser à tout ça. […] Mais son instinct lui disait qu’il ne se libérerait pas l’esprit aussi facilement. Etait-ce parce qu’il habitait sur les lieux du crime ? En partie, sûrement mais il y avait autre chose. […] Son cerveau crut percevoir au loin l’écho d’un cri, l’unique cri poussé par Jenny Ames huit ans auparavant. Ce cri, l’avait-elle poussé en se rendant compte que l’assassin allait la rattraper ?» Publié en 1951 aux Etats-Unis, la Fille de nulle part est un classique de la littérature policière outre-Atlantique. Plus connu pour sa Nuit du Jabberwock (que l’on recommande également vivement), Fredric Brown y joue avec les nerfs du lecteur en construisant des personnages qui gagnent en épaisseur à mesure que le récit avance. Les dialogues, par moments un peu désuets, participent au charme de ce roman écrit il y a plus de 70 ans. A (re)découvrir si on aime se faire peur. Th.D.

Fredric Brown, la Fille de nulle part, 2008. Traduit par Gérard de Cherge, Rivages Noir, 2008, 254 pp., 8,15 €.

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