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Huit personnes âgées de 22 à 65 ans comparaissent à compter du lundi 4 novembre à Paris pour leur implication présumée dans l’assassinat du professeur Samuel Paty, décapité le 16 octobre 2020 par Abdoullakh Anzorov, 18 ans, un Russe islamiste radicalisé d’origine tchétchène. Ce dernier avait ensuite été abattu par les policiers venus l’interpeller.
Avant sa mort, Samuel Paty, 47 ans, professeur d’histoire-géographie au collège du Bois-d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), a été la cible d’une intense campagne de cyberharcèlement. À l’origine de ce drame, le mensonge d’une élève de 13 ans accusant à tort l’enseignant de discrimination envers les musulmans. En réalité, elle n’avait pas assisté au cours d’enseignement moral et civique et son mensonge, repris massivement sur les réseaux sociaux par des adultes peu scrupuleux, a conduit à la «mise à mort», selon les mots du Parquet national antiterroriste (Pnat), de Samuel Paty. La jeune fille et cinq autres ex-collégiens ont été condamnés l’automne dernier à des peines allant de 14 mois avec sursis à deux ans dont six mois ferme à l’issue d’un procès à huis clos devant le tribunal pour enfants.
A partir de lundi, deux des accusés sont jugés pour complicité d’assassinat terroriste, un crime passible de la perpétuité, les six autres pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Ils risquent jusqu’à 30 ans d’emprisonnement. La cour d’assises spéciale de Paris jugera sept hommes et une femme impliqués dans cette campagne de haine et d’intimidation qui a précédé le crime.
Brahim Chnina
De nationalité marocaine, Brahim Chnina, 52 ans, est le père de la collégienne à l’origine de la polémique sur des cours dispensés par Samuel Paty et sa présentation de caricatures de Mahomet. Cofondateur d’Aide-Moi, une association d’aide aux personnes à mobilité réduite pour se rendre notamment en pèlerinage à La Mecque, il est accusé d’avoir lancé avec un autre accusé, Abdelhakim Sefrioui, une vaste campagne de cyberharcèlement contre le professeur.
Les 7 et 8 octobre 2020, il a publié des vidéos pour stigmatiser Samuel Paty et le désigner comme une cible, ainsi que des renseignements précis sur son identité et son lieu d’exercice professionnel. Entre le 9 et le 13 octobre, Brahim Chnina a eu neuf contacts téléphoniques avec le futur assassin de l’enseignant. En détention provisoire depuis le 21 octobre 2020, il cherche, selon l’administration pénitentiaire, à se positionner comme victime, ne reconnaissant aucune responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés.
Abdelhakim Sefrioui
Abdelhakim Sefrioui, un Franco-Marocain de 65 ans considéré comme un militant islamiste, est le fondateur du collectif pro-Hamas Cheikh Yassine, dissous en conseil des ministres le 21 octobre 2020. Il est accusé d’avoir participé avec Brahim Chnina «à l’élaboration et la diffusion de vidéos présentant des informations fausses ou déformées destinées à susciter un sentiment de haine» à l’égard de Samuel Paty. En détention provisoire depuis le meurtre, il encourt comme Brahim Chnina trente ans de réclusion criminelle.
Ses avocats dénoncent une «aberration intellectuelle et judiciaire», estimant qu’aucun contact n’a été établi entre lui et Abdoullakh Anzorov. Il n’existe pas de preuve, selon eux, que l’assaillant ait vu la vidéo postée par leur client cinq jours avant l’assassinat du professeur. Dans cette vidéo, le militant islamiste dénonçait notamment une France islamophobe et qualifiait Samuel Paty de «voyou enseignant». Lors d’un interrogatoire, Abdelhakim Sefrioui a expliqué qu’il n’aurait jamais posté sa vidéo s’il avait pu imaginer «un milliardième de chance que cela arrive». «On voulait juste des sanctions administratives» contre Samuel Paty, a-t-il affirmé.
Azim Epsirkhanov
Ce Russe d’origine tchétchène de 23 ans est arrivé en France en décembre 2010. Il s’est rendu complice, selon l’accusation, de l’assassinat de l’enseignant «en aidant et accompagnant activement» son ami «de longue date» Abdoullakh Anzorov, rencontré au collège en 2013, «dans la recherche et l’achat d’armes». En audition, Azim Epsirkhanov a reconnu avoir reçu la somme de 800 euros de la part du meurtrier pour lui procurer une arme à feu en urgence, ce qu’il n’a pas réussi à faire.
Naïm Boudaoud
Ce Français de 22 ans est l’un des deux accusés, avec Azim Epsirkhanov, poursuivis pour «complicité d’assassinat». Décrit par l’accusation comme «particulièrement vulnérable», «influençable» et «sans aucun signe visible de radicalisation violente», il a fréquenté Azim Epsirkhanov et Abdoullakh Anzorov «multipliant les services» à l’un ou à l’autre. La veille de l’attentat, en compagnie de son coaccusé, il a véhiculé Abdoullakh Anzorov dans une coutellerie de Rouen pour l’achat d’un couteau correspondant à celui retrouvé à proximité de son cadavre. Le jour de l’assassinat, Naïm Boudaoud a accompagné l’assassin dans un magasin de Cergy (Val-d’Oise) pour l’achat de pistolets Airsoft et de billes d’acier.
Yusuf Cinar
De nationalité turque, l’accusé de 22 ans a partagé un groupe Snapchat baptisé «Zbrr» avec Abdoullakh Anzorov qu’il considérait comme «un ami proche», voire «comme un frère». Ce groupe qui diffusait de la propagande jihadiste a publié après l’attentat le message de revendication du terroriste et des photographies du corps de Samuel Paty. Il a également posté des vidéos en hommage à l’assaillant après sa mort. Déscolarisé dès 14 ans, vivant principalement du trafic de stupéfiants et alcoolique, il est incarcéré depuis octobre 2020. Sa détention a été rythmée par de nombreux incidents dont une tentative de suicide en novembre 2020.
Ismaïl Gamaev
Entré clandestinement en France en 2013, Ismaïl Gamaev, un jeune Russe d’origine tchétchène aujourd’hui âgé de 22 ans, bénéficiait du statut de réfugié et avait une carte de résident valable jusqu’en août 2020. Selon l’accusation, il a «participé activement» avec Abdoullakh Anzorov et un autre accusé à un groupe Snapchat échangeant, de manière anonyme et cryptée, des messages à contenus jihadistes. Il aurait notamment «conforté Abdoullakh Anzorov» dans son projet d’assassinat dans les semaines précédant le passage à l’acte. Il a publié des smileys souriants après la diffusion sur son groupe Snapchat, baptisé «Étudiants en médecine», de la tête décapitée de l’enseignant. Il est actuellement sous contrôle judiciaire après deux ans de détention provisoire.
Louqmane Ingar
Louqmane Ingar, 22 ans, est accusé d’avoir administré et «participé activement» au même groupe Snapchat qu’Ismaïl Gamaev. Il envisageait, selon l’accusation, de quitter la France pour rejoindre l’Afghanistan ou la Syrie «dans les rangs d’une organisation terroriste». Il a passé un an en détention provisoire avant d’être placé sous contrôle judiciaire le 10 novembre 2021.
Priscilla Mangel
Priscilla Mangel, 36 ans, est la seule femme à être jugée dans cette affaire. Convertie à l’islam à l’âge de 16 ans, elle a été mariée à un homme connu pour son appartenance à la mouvance islamiste radicale. Elle-même est apparue dans plusieurs procédures antiterroristes. L’accusation lui reproche notamment d’avoir échangé «de manière discrète» sur le réseau Twitter, depuis devenu X, avec Abdoullakh Anzorov «dont l’idéologie n’était pas dissimulée». Sous pseudonyme, elle aurait notamment présenté au meurtrier le cours de Samuel Paty comme «l’illustration de la guerre menée par les institutions républicaines contre les musulmans». Ce genre d’échanges a «conforté» l’assaillant dans son projet, a estimé l’accusation. Elle est sous contrôle judiciaire depuis le 25 juin 2021.
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