Ces documents qui attestent de la présence de soldats nord-coréens en Russie

Ces documents qui attestent de la présence de soldats nord-coréens en Russie

Главная страница » Ces documents qui attestent de la présence de soldats nord-coréens en Russie

En dépit des éléments de preuve qui se multiplient depuis une quinzaine de jours, Moscou refuse de confirmer l’évidence. Mercredi 30 octobre, le représentant de l’Ukraine aux Nations unies, Sergiy Kyslytsya a assuré que près de 12 000 soldats nord-coréens étaient en formation en Russie, dont au moins 500 officiers et trois généraux. Un nombre proche de celui avancé par le Pentagone, qui estime à 10 000 le nombre de soldats nord-coréens actuellement stationnés sur le territoire russe. «Des affirmations creuses, fallacieuses, sans preuve», a répondu l’ambassadeur russe à l’ONU, Vassili Nebenzia. Pourtant, des vidéos, photos et enregistrements audio démontrent la présence sur le sol russe de soldats nord-coréens, qui pourraient entrer dans le conflit dans les tout prochains jours.

Quatre vidéos pointent vers le camp d’entraînement russe de Sergeevka, à une centaine de kilomètres de la Corée du Nord. Ces images, qui remontent à au moins dix jours, corroborent les informations du ministère de la Défense ukrainien, qui évoquait le 24 octobre dans une publication sur sa chaîne Telegram le stationnement de troupes nord-coréennes dans cinq localités, dont Sergeevka : «L’entraînement des soldats de l’armée de la République populaire démocratique de Corée arrivés en Russie s’effectue sur cinq terrains d’entraînement militaires : Oussouriisk, Oulan-Oude, Ekaterinoslavka, Knyaze-Volkonskoe et Sergeevka.»

Les deux premières vidéos sont issues de la chaîne Telegram prorusse Astra et ont été diffusées le 22 octobre. Sur la première vidéo, on peut voir une dizaine d’hommes d’apparence asiatique, sous le porche d’un bâtiment au reflet vert. «Les voilà. Les gars de Corée du Nord», décrit l’homme qui filme, selon une traduction du New York Times. D’après le quotidien américain, qui cite l’analyste militaire Dmitry Kuznets, les individus portent l’uniforme russe de campagne toutes saisons, fabriqué par l’entreprise russe BTK Group. Contactée par CheckNews, la traductrice agréée Eunoh Yoon Silvy certifie qu’ils «s’expriment dans une tonalité nord-coréenne».

«Les alliés sont arrivés»

Dans un deuxième extrait vidéo, le même narrateur – il a la même voix – se rapproche d’un bâtiment aux caractéristiques similaires que dans la vidéo précédente. Celui-ci est blanc et vert, avec un porche autour duquel sont rassemblées de nombreuses personnes en treillis militaires. «Les voilà, les gars de Corée du Nord. Les alliés sont arrivés», se réjouit-il.

Les deux vidéos sont géolocalisées dans cette base de Sergeevka, sur le territoire de la garnison de la 127e division de fusiliers motorisés russe.

Dans une autre vidéo diffusée par l’agence gouvernementale ukrainienne Spravdi, le 18 octobre, des hommes en treillis verts récupèrent du matériel en avançant en file indienne dans un bâtiment. L’agence affirme qu’il s’agit de soldats nord-coréens qui se préparent à un déploiement dans le camp d’entraînement de Sergeevka.

Si Spravdi n’a pas souhaité fournir le fichier vidéo original au New York Times, le quotidien affirme que les fenêtres de l’édifice ressemblent bien à celles que l’on voit sur un bâtiment adjacent à la caserne militaire, où les soldats nord-coréens ont été filmés. Là aussi, la traductrice Eunoh Yoon Silvy, consultée par CheckNews, atteste que les hommes parlent coréen avec l’accent du Nord.

Les fournitures sont déballées de cartons qui portent le logo de l’entreprise BTK Group, le fournisseur des uniformes de l’armée russe. Dmitry Kuznets, cité par le New York Times, identifie des sacs de couchage, des vestes, des pantalons, des chemises et des bretelles.

«Il y en a des millions ici»

Une quatrième vidéo diffusée le 18 octobre par la chaîne Telegram pro-ukrainienne Para Pax est encore géolocalisée à Sergeevka par le réseau collaboratif GeoConfirmed. On y voit plusieurs dizaines de soldats en uniforme russe, sac à dos et arme à la main, courir devant une barrière en béton. D’après une traduction du Washington Post, un premier homme souffle «les voilà», en russe. «Ok, nous ne sommes pas censés les filmer», prévient une autre voix. «Il y en a des millions ici», exagère le premier. Eunoh Yoon Silvy ne parvient pas à distinguer la langue des soldats, mais d’après GeoConfirmed, ils parlent coréen.

A noter que d’autres vidéos relayées par des chaînes Telegram prorusses désignent à tort des militaires d’apparence asiatique comme étant des soldats nord-coréens. D’après la traductrice, ces personnes «ne parlent pas du tout nord-coréen, mais une autre langue, peut-être ouïghoure».

Un interprète pour 30 Nord-Coréens

Outre ces images, le compte Telegram du ministère de la Défense ukrainien a diffusé trois enregistrements audio dans lesquels on entend des voix russes qui évoquent les soldats nord-coréens. Selon le ministère, ces audios sont des interceptions des communications radio russes. Dans un l’un d’eux, relayé le 27 octobre, on entend deux voix, probablement des policiers, qui échangent à propos d’un camion de transport civil chargé de soldats nord-coréens. «Le problème est résolu, [le chauffeur du camion] aide les véhicules de combat d’infanterie à transporter les Coréens», conclut l’un des deux policiers à l’issue de l’échange.

Un autre enregistrement audio retranscrit une discussion de militaires russes engagés sur le front de Koursk, interceptée le 23 octobre, selon le renseignement ukrainien. Les soldats évoquent leurs doutes à propos de l’encadrement et de l’accueil réservé au personnel militaire venu de Corée du Nord, qu’ils qualifient sous le nom de code «bataillon K», puis à un autre moment de «putain de Chinois».

«La seule chose que je ne comprends pas, c’est qu’il faut 3 officiers supérieurs pour 30 personnes. Où est-ce qu’on va les trouver ?» s’interroge dans un autre extrait l’un des soldats russes. On apprend également qu’on leur a demandé de trouver un interprète pour 30 militaires nord-coréens. Dans l’extrait, l’un des militaires rigole, «frère, nous sommes déjà des putain de traducteurs». Selon l’analyse faite par CNN, les mouvements de troupes nord-coréennes étaient prévus pour le matin du 24 octobre, dans le camp militaire de Postoyalye Dvory, dans la région russe de Koursk.

Dans un dernier enregistrement audio, toujours fourni par le ministère de la Défense ukrainien, on entend un militaire russe s’agacer de devoir fournir six véhicules blindés aux soldats nord-coréens. Auprès de son commandant, il insulte l’un de ses collègues, Léon : «Je veux le tuer aujourd’hui, oui, après les Coréens. Est-ce possible ?»

Uniformes militaires russes et cartes d’identité contrefaites

Avant la circulation de ces vidéos et enregistrements audio, les services de renseignement sud-coréens avaient diffusé des images satellites de déplacements de troupes nord-coréennes en Russie, le 18 octobre. Leur rapport fait ainsi état d’un transport naval russe du 8 au 13 octobre, ayant permis de déplacer 1 500 membres des forces spéciales nord-coréennes vers Vladivostok, en Russie.

Il est aussi fait mention de nombreux allers-retours d’avions entre Vladivostok et Pyongyang. Selon la Corée du Sud, ces militaires nord-coréens sont stationnés à Vladivostok, Oussouriisk, Khabarovsk et Blagovechtchensk pour être formés avant d’être envoyés au front face à l’Ukraine.

Les Sud-Coréens précisent que les Nord-Coréens ont reçu «des uniformes militaires russes ainsi que des cartes d’identité contrefaites des résidents des régions de Iakoutie et de Bouriatie, en Sibérie, qui ont une apparence similaire à celle des Nord-Coréens».

Avant l’envoi de ces soldats nord-coréens, des «troupes d’élites» selon le Washington Post, la coopération militaire entre la Corée du Nord et la Russie était déjà très étroite. Depuis la signature d’un accord entre les deux pays en juin, la Corée du Nord a fourni 8 millions d’obus d’artillerie et roquettes pour soutenir l’effort de guerre russe. Des ingénieurs et des officiers nord-coréens étaient déjà présents sur le front ukrainien dès le début du mois d’octobre.

Reste que l’envoi d’un nombre significatif de soldats nord-coréens en Ukraine marque une étape importante dans l’escalade de la guerre. Pour le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, «c’est un problème très, très grave, et cela aura des répercussions non seulement en Europe, mais aussi dans la région indo-pacifique».

Jeudi 31 octobre, lors d’une conférence de presse avec ce dernier et ses homologues sud-coréens, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a affirmé que 8 000 soldats nord-coréens – sur les 10 000 qui seraient présents en Russie – étaient désormais déployés dans la région de Koursk, à proximité de la frontière ukrainienne. Un chiffre qui traduit une augmentation spectaculaire par rapport à la veille. Lloyd Austin avait estimé mercredi que seules «quelques» troupes s’étaient déplacées dans la zone. Un signal annonciateur d’une entrée dans le conflit imminente. «Nous n’avons pas encore vu ces troupes se déployer au combat contre les forces ukrainiennes, mais nous nous attendons à ce que cela se produise dans les prochains jours», a déclaré Antony Blinken jeudi.

Libération

Post navigation

Leave a Comment

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *