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Le combattant de 30 ans, vice-championne de France chez les femmes en 2022, sera opposé sur un ring marseillais au jeune Evan Ferrandi, ce samedi 2 novembre.
La nouvelle a été annoncée la semaine passée lors d’une conférence de presse organisée dans un gymnase des quartiers nord de Marseille : Maho Bah-Villemagne montera sur le ring face à Evan Ferrandi (18 ans, 5 victoires sur 6) ce samedi 2 novembre pour un combat amateur chez les hommes. Sur le papier, le match semble anecdotique. Deux boxeurs de la catégorie des -54 kg s’affronteront dans un complexe sportif de la métropole méditerranéenne, devant au mieux quelques centaines de spectateurs. Mais pour le boxeur de 30 ans, assigné femme à la naissance, le combat est une première victoire pour concourir sous l’identité de genre de son choix.
Après 27 combats amateur de boxe anglaise chez les femmes (12 victoires, 15 défaites) et un statut de vice-championne de France des -52kg en 2022, Maho Bah-Villemagne deviendra le premier boxeur français transgenre à combattre officiellement chez les hommes. Depuis l’annonce de l’événement, les sollicitations affluent. «J’ai une semaine très chargée, en entraînements et en demandes des journalistes. J’ai besoin de faire des pauses dans tout ça», écourte-t-il d’abord par texto, lorsqu’on le sollicite. La veille de son combat, le boxeur se livre finalement sur le poids de l’événement : «Je ressens beaucoup de pression, je sais que je suis attendu et selon mon résultat, ça peut changer beaucoup de choses pour nous, les personnes trans.»
«On va sortir du placard»
Après de longs mois de préparation et des combats annulés, dont certains en raison, selon lui, de «la pression médiatique» ressentie par les adversaires, le boxeur est enfin prêt à enfiler les gants. «Il y a une histoire de virilité que les hommes jouent à la boxe qui est très forte. Evan Ferrandi est très courageux d’accepter ce défi, beaucoup ne l’auraient pas fait», constate Maho Bah-Villemagne. Si ce combat attire tant la lumière, cela doit être, d’après le boxeur, uniquement parce qu’il représente «le début d’une nouvelle ère». «Le monde n’est pas si binaire : qu’on le veuille ou non, les personnes trans et non binaires existent. On s’est cachés pendant longtemps, mais maintenant on va sortir du placard et on va devoir prendre une place dans la société», revendique-t-il.
«Je ne me sentais pas femme, mais j’ai mis beaucoup de temps à transitionner, parce que j’avais peur de ne plus pouvoir boxer. Je savais qu’il n’y avait pas de législation et que les personnes trans n’existaient pas dans le sport. Je n’avais pas ma place, il fallait la créer et je ne pensais pas en être capable», se remémore le sportif, qui a commencé sa transition médicale durant l’été 2023. Avant lui, aucun boxeur trans ne s’est manifesté auprès de la Fédération française de boxe ; il se retrouve donc dans un flou juridique. A cette période, il vit déjà son éloignement du sport comme un «deuil». Le Varois ne pense donc qu’à une chose, une fois son changement de sexe officialisé à l’état civil en février 2024 : remonter sur le ring.
«Ça reste flou»
Le fondateur du collectif de boxe Massilia à Marseille multiplie les appels auprès des membres de la fédération. Face à leur mutisme, il décide de faire appel à un avocat et de médiatiser son cas pour tenter d’obtenir une première licence en boxe professionnelle, qui lui permettrait de vivre de son sport. «Je n’avais pas de refus, mais j’étais le premier, donc il fallait définir des règles, c’est ça qui a pris le plus de temps», constate le boxeur.
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Finalement, la décision de la fédération arrive plus rapidement que prévu. Au regard de son palmarès, il peut prétendre à une licence professionnelle s’il dispute cinq combats supplémentaires et se plie à des tests médicaux réguliers pour contrôler son taux de testostérone. En attendant, la fédération lui délivre une nouvelle licence amateur. Des règles créées dans l’urgence pour le sportif. «Ça reste flou. On me demande par exemple des examens médicaux, mais il n’y a pas de taux d’hormone de référence», regrette Maho Bah-Villemagne.
«Le cas de Maho fera jurisprudence»
L’un des membres de la commission médicale de la fédération s’est d’ailleurs étonné auprès de l’Equipe que sa licence soit délivrée aussi rapidement, alors que la sécurité est primordiale dans les sports de combat et qu’il manque encore d’études pour évaluer les risques d’opposer une personne née femme à un homme. «Les fédérations sont démunies face à l’absence de réglementation claire et d’harmonisation sur l’inclusion des personnes transgenres, mais le cas de Maho fera jurisprudence au niveau de la Fédération française de boxe et peut-être d’autres disciplines qui s’en rapprochent», observe Frédérique Vidal, coprésidente de l’association Fier-play, qui a organisé la Pride House lors des derniers JO de Paris. Interrogée, la Fédération française de boxe n’a pas donné suite à nos sollicitations.
La bataille du boxeur est cependant loin d’être terminée. Maho Bah-Villemagne veut faire entendre sa voix au sein de la fédération pour qu’il y ait «de vraies règles claires pour les personnes trans qui voudraient s’inscrire à la boxe» en France. Il risque cependant d’être renvoyé à ces mêmes interrogations dans la suite de sa carrière. S’il parvient à passer professionnel, celui qui est aujourd’hui lieutenant informaticien dans l’armée de l’air devra se confronter à de nouvelles réglementations, cette fois, auprès des ligues internationales professionnelles (dont les plus connues sont la WBA, l’IBF et WBO). Contrairement au niveau national, il existe au moins un précédent : l’Américain Patricio Manuel, premier boxeur transgenre à remporter un combat professionnel en 2018.
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