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Les résultats de l’enquête d’un institut extrêmement réputé, qui donnait le week-end dernier Kamala Harris en tête dans cet Etat solidement républicain, ne se sont pas concrétisés dans les urnes. L’Etat est tombé dans l’escarcelle de Donald Trump.
L’Iowa occupe une place à part dans l’élection présidentielle américaine. Ce petit Etat du Midwest coincé entre le Missouri et le Mississippi n’est pourtant pas crucial dans la course à la Maison Blanche – il n’envoie que six grands électeurs au collège électoral – mais c’est là, dans les vallées enneigées autour de Des Moines, qu’est véritablement donné tous les quatre ans le coup d’envoi du processus électoral qui aboutit le premier mardi de novembre. Et c’est bien de là, de Des Moines, qu’on a cru voir venir ce week-end un signe inattendu de ce qui pourrait être une victoire de Kamala Harris.
Un sondage de plus ? Pas vraiment. Car l’institut qui avait réalisé l’enquête publiée ce week-end dans le quotidien local, le Des Moines Register, était considéré comme extrêmement fiable. Fondé par J. Ann Selzer, dont «l’historique de travail est exemplaire», selon le New York Times, le Selzer & co a toujours donné le bon vainqueur aux présidentielles depuis 2008 et sa production est à ce point respectée que personne n’a songé un moment à balayer son résultat du week-end comme un simple contresens.
En créditant Harris de 47 % contre 44 % à Trump, le Selzer non seulement ouvrait la porte à un retour de l’Iowa dans le giron démocrate, mais il dénotait la force du vote des femmes âgées de plus de 65 ans en faveur de la démocrate. «L’âge et le genre sont les deux facteurs les plus dynamiques pour expliquer ces résultats», expliquait J. Ann Selzer. Le vote des femmes pouvait-il se cristalliser au point de faire reculer Trump dans ses bastions et l’éloigner de la Maison Blanche ?
Sarcasmes
J. Ann Selzer elle-même avouait avoir été surprise par les résultats de son enquête, mais ne l’avait-elle pas déjà été quand elle avait publié en 2008 un sondage mettant en relief le résultat inattendu d’un jeune sénateur relativement inconnu de l’Illinois pour les caucus démocrates de l’Iowa ? Moins d’un an plus tard, Barack Obama s’installait à la Maison Blanche.
Las, l’Iowa n’a finalement pas basculé du côté bleu et Donald Trump a engrangé les six grands électeurs de l’Iowa. Avec une avance de plus de 14 points sur Harris, on ne peut même pas dire que la course aura été serrée. De quoi déclencher les sarcasmes des observateurs politiques et des réseaux sociaux où les républicains souhaitaient à J. Ann Selzer une bonne retraite…
Des critiques qu’elle avait tenté de désamorcer à l’avance : «A l’arrivée, soit je serai une sondeuse en or – je l’espère – soit je serai paria. Et si je suis une paria, je vais l’accepter comme une grande fille. Aucune larme ne sera versée.»
C’est aussi parce qu’elle a maintenu la publication de son sondage, aussi étonnant lui ait-il paru, que J. Ann Selzer est une sondeuse respectée. Car la pente des sondeurs est souvent de céder à l’effet de groupe et de ne publier que des résultats allant dans le sens des enquêtes précédentes. «Je n’avais jamais pensé que nous montrerions une avance pour Harris», expliquait Selzer dans le Des Moines Register. Après avoir réexaminé ses données, elle n’y avait décelé aucune faille évidente.
Alors, cette enquête était-elle une aberration ? Son éloignement du résultat final pourrait le laisser penser, et le fait qu’il ait suscité un tel intérêt médiatique accentue sans doute cette sensation, mais il est peut-être aussi le fruit de l’erreur qui peut s’immiscer dans n’importe quelle étude d’opinion. Les électeurs sont volatils. Plus que la remise en cause du travail d’une sondeuse, la leçon du «Selzer de l’Iowa» est peut-être là : un sondage, quand il est à contre-courant, n’est pas forcément faux et ne reflète pas forcément un mauvais travail. Il n’est qu’un sondage. C’est tout.
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