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Mal-logement
Dans une affaire d’habitat indigne entamée voilà plus de dix ans, la Cour de cassation a annulé ce mardi 19 novembre la condamnation de celui que la mairie considère comme le boss des marchands de sommeil de la ville.
L’effet, pour la mairie de Grigny, tient en peu de mots : «la douche froide». Dans cette ville de l’Essonne, pauvre, rongée par le mal-logement et les propriétaires sans scrupule, Dominique Foussier a investi les tours de Grigny 2. Au cœur d’un marathon judiciaire, celui que l’on surnomme le «Thénardier de Grigny» détient dans le quartier une multitude d’appartements achetés à maigre prix dans les années 2000 puis loués à des personnes en situation de grande précarité, la plupart immigrées, moyennant des tarifs quasi-parisiens. Un F5 ? C’est cinq familles différentes, ou personnes seules, locataires potentiels. De la simple colocation selon Dominique Foussier, une suroccupation organisée pour la mairie de Grigny qui a entamé des démarches contre son «Thénardier» en 2015.
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Dans un arrêt rendu mardi 19 novembre, la Cour de cassation annule la condamnation par la cour d’appel de Paris en octobre 2023 de Dominique Foussier et renvoie l’affaire devant cette même cour d’appel. Après cinq reports à l’initiative de Dominique Foussier, un premier jugement du tribunal correctionnel d’Evry-Courcouronnes, en novembre 2021, l’avait condamné à 1 an de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende et 25 000 euros de dommages et intérêts notamment pour «délinquance économique préméditée et organisée». Un jugement suivi par la cour d’appel de Paris en octobre 2023, qui revenait tout de même sur les cinq années d’interdiction de location et la confiscation d’un de ses appartements prononcées à son encontre en première instance. Avant que la Cour de cassation ne s’empare du pourvoi de Dominique Foussier mi-octobre.
Cafards, punaises de lit et plafond décollé
A cette occasion, Libération racontait le quotidien de ses locataires, comme Foulematou Diaoune, restée quatre ans avec ses deux filles dans un des appartements subdivisés de «Monsieur Foussier». Elle énumérait tous les pans d’un logement de misère : la salle de bains commune et ses fils électriques dénudés, le plafond décollé, les cafards, les plaques rouges laissés sur le corps par les punaises de lit, les plats à emporter, trop lasse de la queue devant la gazinière. Et le bailleur, banane à la taille, à la porte le mercredi et le samedi pour récolter en liquide le loyer.
Dans cette affaire qui laboure en profondeur la législation relative à la colocation, la juridiction suprême a cassé l’arrêt de la cour d’appel en considérant que Dominique Foussier ne pouvait pas être poursuivi pour location de logement issu d’une indivision illégale, estimant que les juges étaient tenus d’appliquer une nouvelle loi «plus douce» intervenue entre-temps, la loi Elan, votée en octobre 2018, qui rabaisse de 14m2 à 9m2 la surface habitable de chaque colocataire dans le cas de baux multiples.
Double peine : la Cour de cassation juge l’indemnisation accordée à la commune insuffisamment motivée, reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir «mieux caractérisé en quoi les faits dont [Dominique] Foussier a été reconnu coupable avaient engendré pour la commune un surcoût de fonctionnement, par rapport à la charge normale de la mission de lutte contre l’habitat indigne qui lui incombe».
Si la procédure reposait sur quatre appartements, le bailleur en possède plus d’une quarantaine à Grigny 2, sur lesquels la mairie et ses inspecteurs salubrité n’ont pas réussi à intervenir. Dominique Foussier, 64 ans, ancien ingénieur classé défense chez Thalès, marié à une endocrinologue qui possède son cabinet dans une ville voisine, peut donc sereinement continuer à percevoir les centaines de milliers d’euros de cash que son juteux business lui rapporte tous les ans. Avant un énième pugilat avec la mairie devant la cour d’appel.
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