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Une fois n’est pas coutume, les sénateurs ne se mettent pas à examiner en séance le projet de loi de finances (PLF) pour l’an prochain dans une relative indifférence. Décidément, cet automne de discussions budgétaires ne ressemble en rien aux précédents. Tous les amendements votés à l’Assemblée nationale étant passés à la trappe après le rejet, le 12 novembre, de la première partie du texte par les députés, les sénateurs travaillent sur sa version initiale, celle proposée par le gouvernement Barnier et qui ramène le déficit public de 6,1 % cette année à 5 % en 2025. Conséquence, la manière dont ils vont modifier le texte jusqu’au 12 décembre, date du vote solennel au Palais du Luxembourg, concentre toutes les attentions. C’est sur cette copie amendée qu’en commission mixte paritaire, sept sénateurs et sept députés tenteront de s’accorder mi-décembre. Dans le scénario le plus probable, c’est également sur cette copie que le gouvernement fera son marché quand il aura eu recours à l’article 49.3 de la Constitution.
Personne ne s’attend à une réécriture du texte comme à l’Assemblée. La gauche avait réussi à passer de nombreux amendements. Non, au Sénat, où la droite et le centre cumulent 250 sièges sur 348, Michel Barnier a moins de souci à se faire. «Quand on est du côté de la majorité, il y a besoin de discipline», assure le sénateur LR du groupe Droite républicaine Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, qui a remisé ses lignes rouges fiscales : «Vu la situation budgétaire, nous devons en rabattre sur nos idées politiques. Là on est dans la grande urgence.»
«Ça change de l’an dernier, quand le gouvernement nous a pris pour des benêts»
Le texte ne va cependant pas rester tel quel, 1999 amendements sont à examiner sur la première partie consacrée aux recettes. Parmi eux, certains ont été repêchés de l’Assemblée. «On n’avait jamais vu des députés nous contacter pour faire rentrer leurs amendements dans le PLF. C’est un peu panique à bord, alors ils essaient plusieurs voies : nous, le gouvernement…» constate Claude Raynal, président socialiste de cette commission. Pour beaucoup, les changements qui seront votés auront fait l’objet d’accords préalables avec le gouvernement, dont l’attitude envers la Chambre haute rompt avec celle de ses prédécesseurs. Claude Raynal constate que «les ministres [les] contactent bien plus». Avec les partis de la coalition, les négociations battent leur plein. «Cette fois, on discute de tout tranquillement et posément, se réjouit Jean-François Husson. Ça change de l’an dernier, quand le gouvernement nous a pris pour des benêts. Nous avions voté 7 milliards d’économies et il n’avait rien repris.» Une énième réunion se tenait lundi 25 novembre au soir à Matignon. «L’idée, c’est d’avancer au maximum sur des compromis pour les deux parties du texte sans avoir à attendre la fin de la discussion», indique le cabinet du ministre du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin.
Les collectivités territoriales, que les sénateurs veulent toujours préserver, verraient les coupes, selon leur président Gérard Larcher, passer de 5 à 2 milliards d’euros. «On connaît l’histoire, on n’imagine pas que Gérard Larcher parle pour être contredit ensuite, explique Claude Raynal. On oublie juste de dire que c’est 10 milliards et non 5 milliards [d’euros] de coupes sur les collectivités.» La discussion n’est, en revanche, pas finie sur le relèvement de la taxe sur l’électricité. Déjà rejeté à l’Assemblée, cet article a été retoqué en commission au Sénat, entraînant 3,4 milliards d’euros de recettes en moins que ce qui était prévu dans le PLF. La commission a aussi voté une hausse de 1,2 milliard d’euros des accises (des impôts indirects) sur le gaz – une hypothèse écartée lorsque la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, l’avait promue. «On peut reconnaître aux sénateurs d’avoir cherché une compensation à la hauteur, mais augmenter le prix du gaz, ce n’est pas le meilleur moyen de préserver le pouvoir d’achat», considère-t-on toujours à Bercy.
Pour tenir une réduction du déficit à 5 %, la droite sénatoriale a voté en commission un coup de rabot sur le crédit impôt recherche (600 millions d’euros) et des coupes supplémentaires de 3,6 milliards d’euros dans diverses missions, parmi lesquelles la formation (des enseignants, notamment, à hauteur de 1 milliard), le travail avec l’apprentissage (620 millions), ou la santé avec l’aide médicale d’Etat (200 millions). De quoi laisser Claude Raynal dubitatif : «J’attends de voir où sont toutes les compensations des compromis trouvés avec la droite.» Ces dernières pourraient être moins élevées que prévu car, déjà, le gouvernement revient sur ses engagements. Sur Public Sénat lundi, Laurent Saint-Martin a dit qu’il pourrait consentir à moins d’économies, quitte à ce que le déficit atteigne «un petit peu plus» que les 5 % du PIB. «Ce n’est pas très grave», pense-t-il dorénavant. Les lignes rouges du gouvernement Barnier n’auront eu qu’un temps.
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