Lors d’un point presse en fin de journée mardi 26 novembre, Benyamin Nétanyahou a annoncé son intention de proposer au cabinet de sécurité un cessez-le-feu au Liban. Un accord de principe pour une trêve dans la guerre contre le Hezbollah libanais, négocié par les présidences américaine et française. «La guerre ne se terminera pas avant que tous les objectifs, y compris le retour des habitants du nord [d’Israël] chez eux, ne se fasse», a toutefois tempéré le Premier ministre israélien qui s’est félicité d’avoir ramené le Hezbollah «une dizaine d’années en arrière». Et de prévenir : «La durée de la trêve dépendra de ce qu’il se passe au Liban. Si le Hezbollah se réarme, rompt l’accord, nous l’attaquerons.»
L’accord en 13 points, fondé sur un projet américain, prévoit selon le site Axios et le quotidien libanais L’Orient-Le Jour une trêve de soixante jours, pendant laquelle le Hezbollah et Tsahal se retireraient du sud du Liban, délimité par le fleuve Litani, pour laisser 10 000 à 15 000 soldats libanais s’y déployer, en coordination avec la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Il inclut également la mise en place d’un comité international pour en surveiller l’application. Les médiations se feront sur la base de la résolution 1 701 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a mis fin à la précédente guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006, et stipule que seuls l’armée libanaise et les Casques bleus peuvent être déployés à la frontière sud du Liban. Les présidents français et américain, Emmanuel Macron et Joe Biden, pourraient annoncer formellement mardi 26 novembre au soir ce cessez-le-feu.
Le texte, qui prend la forme d’une simple mise à jour de la résolution 1701, n’impliquera pas une ratification côté libanais, alors que le pays n’a toujours pas de président. Mais le parlement libanais se réunira jeudi pour reconduire le commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun, à sa tête – son mandat se terminait en janvier – pour permettre le déploiement de l’armée libanaise dans de bonnes conditions.
Le document n’était pas encore signé que certains journalistes de la région ne cachaient pas leur scepticisme. «Le diable se cache dans les détails, titrait ce mardi matin L’Orient-Le Jour. Tel-Aviv semble accepter les grandes lignes de l’accord. Mais les conditions qu’il pose pourraient le rendre inapplicable, ce qui ferait porter au Liban la charge d’un échec.» Parmi les craintes libanaises, le fait que l’accord conduise à vider totalement certaines régions dans le Sud, pas seulement du Hezbollah, mais aussi de leurs habitants.
Pour le quotidien israélien Haaretz, «le gouvernement libanais et son armée sont faibles et ne seront pas en mesure de faire face à la puissance militaire du Hezbollah». «Toute tentative de désarmer l’organisation pourrait entraîner une guerre civile au Liban, poursuit le journal. Seul l’Iran peut garantir que l’organisation respectera l’accord avec Israël.» Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, prévenait mardi que son pays agirait «avec force» en cas de violation d’un accord. Itamar Ben-Gvir, ministre de la Sécurité nationale israélien d’extrême droite, estimait qu’un cessez-le-feu serait «une erreur historique».
«Plus d’excuses»
Ces dernières quarante-huit heures, la pression est néanmoins montée pour que les deux parties acceptent le texte, alors que les Israéliens réclamaient la liberté d’agir militairement au Liban si le Hezbollah venait à «violer» l’accord et à renforcer ses infrastructures et capacités militaires, ce que Beyrouth refusait catégoriquement. Le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, a déclaré ce mardi matin qu’Israël n’avait «plus d’excuses, plus de requêtes supplémentaires» pour refuser le cessez-le-feu. «Arrêtez ces combats, arrêtez de tuer des gens, et commençons à penser à la paix», a-t-il martelé. Selon l’Orient-Le Jour, l’Etat hébreu a refusé la participation de la France au comité international de surveillance, avant de l’accepter «après ce qui semble être une intervention américaine visant à apaiser les relations entre le président français, Emmanuel Macron, et Benyamin Nétanyahou».
A la manœuvre, l’émissaire américain Amos Hochstein n’a pas ménagé ces dernières semaines sa peine pour obtenir un tel accord. Jeudi 21 novembre, il a rencontré Benyamin Nétanyahou, au moment où la CPI émettait des mandats d’arrêt contre Yoav Gallant, son ex-ministre de la Défense, et lui-même, «pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu’au 20 mai 2024». Mais aussi contre Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas palestinien, présumé mort. La veille, le «pompier diplomatique» de Joe Biden était à Beyrouth, où des «progrès supplémentaires» avaient été constatés autour de ce plan. Jeudi, pourtant, de nouvelles frappes visaient l’est du pays et la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah, qui annonçait de son côté avoir bombardé pour la première fois le sud d’Israël. Le week-end puis la journée de lundi ont aussi été particulièrement meurtriers.
A Beyrouth, sous un déluge de feu mardi, un épais nuage de fumée s’élevait de la banlieue sud, causé par des frappes les plus intenses depuis deux mois. Dans l’après-midi, l’armée israélienne avait appelé à évacuer 20 zones. Des habitants s’échappaient sur une plage publique pour éviter aux bombardements, d’autres fuyaient dans les rues du nord de la capitale et même dans le nord du pays, causant d’importants embouteillages.
Treize mois de sang et de larmes
Depuis les attaques terroristes du 7 Octobre perpétrées par le Hamas contre Israël, il y a treize mois, la région s’est muée en théâtre d’une pièce macabre dont on ne compte plus les actes. A Gaza, d’abord, où l’Etat hébreu s’est lancé dans une entreprise de destruction du mouvement islamiste, n’épargnant pas les civils : plus de 44 000 personnes ont perdu la vie. Au Liban, ensuite, où le Hezbollah a lancé dès les 8 octobre les hostilités en tirant des roquettes de façon quasi quotidienne sur le nord d’Israël en «soutien» à Gaza. Les affrontements transfrontaliers, d’ampleur relativement limitée, se sont poursuivis pendant des mois entre l’armée israélienne et les combattants du mouvement chiite, entraînant le déplacement de dizaines de milliers d’habitants de part et d’autre de la ligne de démarcation entre Israël et le Liban. Jusqu’à l’intense campagne de bombardements commencée le 23 septembre par Tsahal au Liban, d’abord dans le sud du pays puis sur Beyrouth, et le déclenchement sept jours plus tard d’une offensive terrestre dans le Sud.
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L’Etat hébreu a également tué plusieurs hauts dignitaires de l’«Axe de la résistance», qui regroupe le Hezbollah, le Hamas, la Syrie de Bachar al-Assad, les Houthis yéménites et des milices chiites irakiennes, ce qui a entraîné des répliques sans fin de la part du «croissant chiite» contre Israël comme les 180 missiles tirés le 1er octobre par l’Iran contre l’Etat hébreu. Le premier haut gradé à tomber fut Fouad Chokr, cadre militaire du Hezbollah tué par une frappe israélienne à Beyrouth le 30 juillet. Il y a eu ensuite le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, le 3 juillet, qui se trouvait à Téhéran pour l’investiture de Massoud Pezeshkian, puis Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas, le 13 juillet à Gaza, et Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, tué le 27 septembre dans une frappe menée sur le QG du parti-milice dans la banlieue de Beyrouth. Sans oublier Yahya Sinwar, considéré comme un des cerveaux des attentats terroristes du 7 Octobre, éliminé fortuitement le 16 octobre à Gaza. Entre-temps, Israël a lancé son attaque aux bipeurs qui a sidéré le Hezbollah, le 17 septembre, tuant 39 personnes, en majorité des membres du mouvement, et blessé plus de 3 000 autres, dont l’ambassadeur iranien à Beyrouth.
Au total, près de 3 800 personnes sont mortes au Liban dans les frappes israéliennes, principalement dans le sud du pays, dans la Bekaa à l’est et dans la banlieue sud de Beyrouth, fiefs du mouvement. «Une année longue comme l’éternité, stérile comme le désert. Une année à l’issue de laquelle nous nous trouvons devant une pile inconcevable de cadavres, sans la moindre compréhension ni le moindre espoir», se désespérait lors des commémorations du 7 Octobre l’écrivain israélien Etgar Keret, dans une tribune à Libération, pour évoquer les malheurs de la région.
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