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Climat Libé Tour: reportage
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Dans un établissement d’un quartier populaire de Marseille, enseignants et associatifs discutent de la biodiversité et du réchauffement climatique avec des élèves de CM1-CM2, pour attiser leur curiosité et répondre à leurs inquiétudes.
Rigolards et très sérieux à la fois, ils lui trouvent vite un nom. «Junior», lance l’un. «Ronaldo Junior !» complète un camarade. Le baptisé du jour ? Un ver de terre à la tête rouge, évoluant devant leurs yeux curieux sur l’écran LCD d’un microscope portable. Thibaud Ponce, intervenant de l’association Initiatives pour la sauvegarde des sols urbains (Issu), tient l’appareil optique posé sur un échantillon de terre riche de vie. «C’est un bébé cloporte», rectifie-t-il quand un élève pense avoir identifié un cafard. «Nous, on appelle ça un cafard !» répète le garçonnet. N’empêche, la classe de CM1-CM2 de l’école National, dans le quartier populaire du IIIe arrondissement de Marseille, se pique avec délice au jeu de l’observation, jeudi 10 octobre. Bien contente d’apprendre que «dans un gramme de sol, il peut y avoir jusqu’à un milliard d’espèces animales».
Ailleurs dans la cour, au pied d’un platane, l’ingénieur agronome Florent Bonello leur propose d’expérimenter in situ. «Je suis trop forte, je vais faire ce métier, c’est relaxant de creuser des trous», s’amuse une élève, sweat rose et mine réjouie, en tournant une tarière à prélèvements, un outil de jardin en forme de vis. La terre se donne facilement, grâce aux pluies diluviennes des jours précédents. Revoilà un ver de terre : «Il y a des gens qui en mangent… oui, oui, à Koh-Lanta !» assure une petite voix. Mais cette fois, l’animateur attire leur attention sur la composition du sol, mélange d’argile, de grains de sable et de limon. Et sur le rôle de l’eau et de l’air pour assurer sa bonne santé.
Bombe à graines
Ils sont trois jeunes scientifiques, avec Imad Slimani, à s’être donnés pour mission de sauvegarder les sols en ville avec leur association Issu, fondée il y a un an. C’est leur première action de sensibilisation dans une école. «Tout part du sol, expliquent-ils. Les petites bêtes mangent les feuilles tombées à terre, leur caca nourrit l’arbre. Il n’y a jamais de poubelles dans la nature. Ils ont tout compris, ils utilisent tout.» Les enfants opinent du chef, ravis de repartir avec une bombe à graines pour la maison. Sans doute ne donneront-ils plus la même définition du sol qu’en début d’atelier. Morceaux choisis : «C’est là où on marche» ; «C’est du goudron», «des pierres !» ; «Du ciment», «des tuyaux», «des déchets !»
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Pas étonnant que le futur, beaucoup l’imaginent avec des solutions pour les déchets. Nous avons prolongé la discussion avec une autre classe de CM1-CM2. Et l’idée de robot intelligent revient souvent : «Il y aurait des poubelles qui ramasseraient toutes seules, et la terre serait propre.» «Mon idée, quand des gens jettent des déchets, c’est que les déchets s’envolent et savent retrouver eux-mêmes les poubelles.» «Toutes les maisons seront en forme de triangle, d’hexagone. Elles auront des caméras devant la porte, et les poubelles aussi. S’ils voient un déchet par terre, ils le ramassent directement.» «Dans la mer, moi je pense à des sous-marins qui peuvent ramasser les déchets ou les plantes qui sont mortes dans l’eau pour qu’ils ne polluent plus.»
«Comme une ébullition»
Sandy, leur maîtresse, leur dit qu’ils «sont aussi acteurs dans l’histoire». Elle leur rappelle toutes les actions qu’ils ont faites depuis le CP sur le ramassage des déchets, dans le quartier et avec l’association Clean my Calanques, et sur le recyclage des matériaux. D’ailleurs, Sasha (1) pense qu’à l’avenir, «des personnes prendront le bois dans les maisons abandonnées». «Quelqu’un qui déménagerait, on prendra tout ce qui est vieux dans la maison», dit en écho Adam. Et aussi : «J’aimerais que l’eau ça puisse se recycler. Je prends une bouteille, je la mets dans une machine et cela recycle en eau.»
L’inquiétude climatique pointe au milieu des peurs ancestrales sur le soleil, qui va «descendre comme les feuilles et nous brûler», ne plus «tenir au ciel». Sur un sujet en particulier : la ressource en eau. «Je pense que la pluie va disparaître», dit un élève. «Comme les pays d’Afrique, ce sera difficile s’il n’y a pas de pluie», soupire une autre. «Si la mer est baissée, est-ce qu’il y aura une grande quantité de mer avec la pluie ?» interroge Camilla. Une image de cataclysme traverse la salle de classe : «Avec la température, c’est comme une ébullition avec un four, j’ai peur que l’eau s’évapore, et que du coup la terre sera en feu et carbonisée.» Heureusement, l’enfance est là, encore, avec ses rêves de «voiture volante», de «bouclier pour protéger la terre» et de magie. «Si on avait des cahiers où on écrirait dessus ce qu’on veut et cela apparaîtrait directement, lance pour finir un enfant. Par exemple un robot qui est comme une voiture !»
(1) Les prénoms des enfants ont été changés.
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