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Assemblée
La proposition de loi insoumise revenant sur le report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite n’a pu aller jusqu’au vote ce jeudi 28 novembre. Une défaite politique que les troupes mélenchonistes veulent transformer en victoire symbolique en prenant l’opinion publique à témoin.
La gauche échoue encore à abroger la réforme des retraites de 2023. Victime d’une méthodique obstruction parlementaire du «socle commun», la proposition de loi portée par La France insoumise (LFI) qui visait à remettre l’âge légal de départ à 62 ans (au lieu de 64 désormais) n’a pu être votée par l’Assemblée nationale avant minuit ce jeudi 28 novembre.
Avec les voix de la gauche et du Rassemblement national, qui avait proposé son propre texte visant à revenir sur la réforme des retraites lors de sa niche parlementaire, fin octobre, le texte avait toutes les chances d’être voté. Mais le bloc central, qui refuse de remettre en question son bilan malgré les résultats des européennes et des législatives, avait entrepris un exercice de blocage, trop heureux de rappeler à la gauche, et a fortiori aux insoumis, qu’ils avaient eux même joué de l’obstruction pendant la réforme des retraites il y a bientôt deux ans. Certains, à gauche, ont pointé la différence entre l’opposition, qui a peu de marge de manœuvre, et la majorité, qui a saboté cette journée de niche, justement destinée à permettre à un groupe d’opposition de fixer l’ordre du jour au Parlement.
«On a fait cinq amendements à l’heure ce matin»
Toute la journée, les députés du bloc central ont donc utilisé les armes parlementaires à l’usage des oppositions, multipliant dépôts d’amendements, suspensions de séance, et rappels au règlement pour empêcher les débats d’avancer. «On a fait cinq amendements à l’heure ce matin : assumez que vous faites de l’obstruction pour empêcher le vote», s’est agacé Ugo Bernalicis, le rapporteur du texte. Au fil des débats, les élus du bloc central ont multiplié les maladresses, comme lorsqu’une députée macroniste a cru bon d’affirmer qu’à «64 ans comme à 60 ans, on est encore dans une bonne forme». Et ce, alors que l’écart d’espérance de vie entre cadres et ouvriers, a fortiori en bonne santé, est encore criant. Selon l’Insee, «les ouvriers ont plus de deux fois plus de risque que les cadres de mourir entre 35 et 65 ans, et 1,7 fois plus entre 65 et 75 ans».
Malgré le blocage, les insoumis n’ont pas voulu retirer leur texte pour passer à l’examen des propositions de loi suivantes, sur le consentement par exemple. Sur un sujet aussi symbolique, ils ne pouvaient pas renoncer. Les troupes de Mélenchon en ont donc profité pour dénoncer un déni de démocratie et appeler à la chute du gouvernement Barnier, avec un terme, pour seule issue selon eux, la démission d’Emmanuel Macron. «Contre le sabotage des macronistes», ils ont appelé à un rassemblement aux Invalides, à côté de l’Assemblée nationale, à 19 heures. Jean-Luc Mélenchon, qui était présent au Palais Bourbon dans la journée, a pris la parole pour dénoncer «l’obstruction» du gouvernement, «pour la première fois de notre Histoire».
Dans 6 jours, le gouvernement tombera.
Son dernier acte : prolonger une mesure inacceptable, visant à faire travailler les gens deux ans de plus.
Ils ne sont bons qu’à cela : faire souffrir les gens, encore et toujours. pic.twitter.com/pHcK9N5NIm
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) November 28, 2024
La France insoumise avait mis ce texte en première position dans sa niche parlementaire. «C’est un signal politique très, très puissant, qui montre qu’il est possible de défaire la politique de Macron et de son monde de malheur, s’était réjouie à l’avance, dimanche, la présidente du groupe insoumis, Mathilde Panot. On ne peut pas gouverner contre le peuple, notamment en imposant une réforme de force dont personne ne veut.» Les mélenchonistes prennent ainsi à témoin l’opinion.
Même après les revers des européennes et des législatives anticipées, la macronie n’a jamais voulu envisager de toucher à la «mère des réformes», pourtant largement contestée à l’Assemblée et dans la population. «J’appelle solennellement les députés macronistes à retirer leurs amendements d’obstruction parlementaire, avait prévenu Manuel Bompard, le coordinateur de LFI. Je les préviens : nous ferons un travail d’affichage dans leur circonscription pour dire quels sont les députés macronistes qui sont à l’initiative d’avoir empêché l’Assemblée nationale de voter sur ce sujet.»
Au-delà de la niche insoumise, toute la gauche constate et dénonce le blocage du «socle commun», qui n’a fait, sur ce sujet, aucune concession ni compromis. «Ils n’ont jamais pensé faire un bout de chemin avec la gauche, dénonce Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS. Ce sont des gens sanctionnés par les urnes qui font comme s’ils avaient gagné. Ils ne veulent bouger sur rien.» Ce mercredi, alors qu’il recevait les présidents de groupe socialiste à l’Assemblée et au Sénat, Boris Vallaud et Patrick Kanner, Michel Barnier a d’ailleurs admis qu’il ne ferait aucun pas vers eux. «Vous avez dit que vos projets de loi étaient perfectibles, donc on a travaillé», lui ont rappelé les deux hommes. Face à eux, ce Premier ministre sur la sellette a admis : «je ne peux pas prendre le risque de fracturer mon socle commun avec vos propositions».
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