Election en Roumanie : la présidence dénonce un «traitement préférentiel» sur TikTok pour le candidat prorusse, un recomptage ordonné

L’irruption de l’extrême droite aux portes du pouvoir en Roumanie n’a pas fini de provoquer un séisme politique. Après la qualification surprise du candidat prorusse Calin Georgescu au second tour de l’élection présidentielle roumaine – et l’élimination tout aussi surprenante du Premier ministre social-démocrate – les soupçons de fraude électorale se multiplient dans le pays d’Europe du sud-est. Ce jeudi, la présidence a annoncé avoir constaté des «cyberattaques» visant à «influencer la régularité du processus électoral» en cours. A l’issue d’une réunion du Conseil suprême de la défense nationale, les autorités ont également noté «un intérêt croissant» de la part de la Russie à l’idée «d’influencer l’agenda public roumain […] dans le contexte actuel de sécurité régionale». Selon la législation, l’élection peut être annulée en cas de découverte de «fraudes de nature à altérer les résultats ou l’ordre d’arrivée des candidats».

«Pas étiqueté comme candidat politique»

Par ailleurs, la plateforme TikTok aurait accordé «un traitement préférentiel» au candidat indépendant, admirateur des fascistes des années 30, qui doit sa victoire à une étrange percée sur la plateforme, propriété du géant chinois Byte Dance. Calin Georgescu, qui n’est pas nommément désigné, aurait «bénéficié d’une exposition massive» sur le réseau social «qui ne l’a pas étiqueté comme candidat politique», selon un communiqué de la présidence. Avec pour conséquence «un impact sur le résultat final» du scrutin, ce qui nécessite selon la présidence l’instauration de «mesures d’urgence».

«Il est catégoriquement faux de prétendre» que le compte de Calin Georgescu «a été traité différemment de celui des autres candidats», s’est défendu un porte parole de TikTok. Il «a été soumis exactement aux mêmes règles et restrictions» que tous les autres candidats. La veille, la société avait déjà dénoncé des allégations «erronées et trompeuses».

La Commission européenne a d’ores et déjà été saisie par l’autorité de régulation des médias d’une demande «d’investigation formelle sur le rôle» du réseau social. Dans le cadre du règlement sur les services numériques (DDA), TikTok a «l’obligation d’évaluer et d’atténuer les risques systémiques liés aux processus électoraux», rappelle Bruxelles. Si la Commission «soupçonne une infraction, elle a donc le pouvoir d’ouvrir une procédure pour vérifier le respect» des engagements pris par la plateforme.

Un recomptage des voix ordonné

Autre exemple de l’offensive des autorités roumaines après cette présidentielle au résultat surprise : la Cour constitutionnelle a aujourd’hui ordonné «à l’unanimité» de procéder à un nouveau dépouillement, après avoir été saisie d’une demande par un autre candidat. Cristian Terhes, député européen d’extrême droite arrivé en neuvième position lors du scrutin, accuse en effet un des partis d’avoir continué à faire campagne en ligne après le délai autorisé. Il estime que cela a pu favoriser Elena Lasconi, la maire centriste d’une petite ville arrivée en deuxième position, juste devant le Premier ministre Marcel Ciolacu, qui s’est retrouvé écarté de la course alors qu’il faisait figure de favori.

La juridiction doit se réunir de nouveau vendredi à 14 heures (13 heures en France). La Cour constitutionnelle a en revanche rejeté un autre recours, reçu «tardivement», qui dénonçait le financement opaque de la campagne de Calin Georgescu.

«C’est une situation sans précédent» depuis la chute du communisme et la transition démocratique en 1989, a commenté un ancien juge auprès de la Cour, Augustin Zegrean, sur la chaîne roumaine Digi24. «Les choses risquent de tourner très mal», redoute-t-il, alors que le calendrier électoral est très serré. Les Roumains sont de nouveau appelés aux urnes ce dimanche pour élire le Parlement, avant le second tour de la présidentielle prévu le 8 décembre. En théorie.

Mise à jour : à 20h15, avec la réaction de TikTok