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Le verdict est tombé : l’Etat belge a été condamné lundi 2 décembre en tant qu’ancien pouvoir colonial au Congo (l’actuelle RDC) pour l’enlèvement à leurs mères et le placement forcé de cinq fillettes métisses avant l’indépendance de 1960. Non reconnues par leurs pères d’origine belge, les cinq plaignantes ont été arrachées à leur mère puis placées dans des institutions catholiques où elles disent avoir subi de mauvais traitements. Toutes nées entre 1945 et 1950 de la relation entre un colon belge et une femme congolaise, elles avaient entre deux et trois ans quand elles ont été enlevées.
Renversant le jugement de première instance prononcé en 2021, la cour d’appel de Bruxelles a estimé que les faits n’étaient pas prescrits, et que ces «enlèvements systématiques» basés sur l’origine constituaient «un crime contre l’humanité», conformément au droit international applicable en 1946, après la Seconde Guerre mondiale. Ce procès est le premier en Belgique à mettre en lumière le sort réservé aux métis nés dans les anciennes colonies belges (Congo, Rwanda, Burundi). La plupart d’entre eux n’étaient pas reconnus par leur père, et ne devaient se mêler ni aux blancs, ni aux Africains.
C’est dans le cadre d’une politique raciale d’enlèvement que «les enfants de la honte», comme on les appelait à l’époque, sont enlevés en masse par l’Etat colonial. L’autorité les place dans des zones éloignées de leur région natale pour brouiller les pistes et leur attribue une nouvelle identité. L’Etat belge prendra entièrement le contrôle de la vie de ces pupilles. Selon les estimations, trois ou quatre mille enfants ont subi le même sort, sur les 15 000 bambins métis nés lors de la période coloniale. «A l’école, on nous traitait de “café au lait”. Nous n’étions pas acceptés», s’était souvenue une des plaignantes, Simone Ngalula, lors d’un entretien avec l’AFP au début de l’affaire. «On nous appelait “les enfants du péché”», avait dit une autre.
«Victoire totale»
En 2019, le gouvernement belge avait reconnu la «ségrégation ciblée» subie par ces métis des ex-colonies, et déploré des «pertes d’identité» avec la séparation des fratries. Une réaction insuffisante selon les plaignantes, qui réclamaient une indemnisation. A l’issue du procès en première instance, les cinq femmes n’avaient eu pour consolation que des frais de procédure à régler.
Ce lundi, la cour d’appel a rendu sa décision et donne finalement raison aux cinq femmes septuagénaires. Elle a relevé que les plaignantes avaient été «enlevées à leur mère respective, sans l’accord de celle-ci, avant l’âge de 7 ans, par l’Etat belge en exécution d’un plan de recherche et d’enlèvement systématique» ciblant les enfants métis «uniquement en raison de leurs origines». «Leur enlèvement est un acte inhumain et de persécution constitutif d’un crime contre l’humanité en vertu des principes de droit international reconnus par le statut du tribunal de Nuremberg, intégrés dans le droit international», est-il souligné. L’arrêt cite une résolution de l’ONU confirmant ces principes de droit adoptée en décembre 1946.
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«On a gagné, c’est une victoire totale, a réagi Michèle Hirsch, l’avocate des plaignantes, auprès de l’AFP. L’arrêt est historique, c’est la première fois qu’un Etat colonial, la Belgique en l’occurrence, est condamné pour un crime commis durant la colonisation qualifié de crime contre l’humanité et dès lors non prescrit.» L’Etat belge est donc condamné à indemniser le préjudice moral des plaignantes et à les dédommager à hauteur de 50 000 euros chacune, la somme réclamée dans la plainte qui avait été déposée en 2020. Une décision de justice significative et symbolique qui marque une progression dans le processus de reconnaissance des crimes commis par les puissances coloniales.
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