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A la barre
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Me Guillaume de Palma, auteur d’une sortie calamiteuse en début de procès («Il y a viol et viol»), s’est attaché, ce mardi 3 décembre, à mener sa plaidoirie dans le cadre du droit, incitant la cour à «juger à hauteur d’homme».
Avertissement
«Libération» couvre jusqu’à la fin de l’année 2024 le procès des viols de Mazan. Ces articles relatent la description de violences sexuelles et peuvent choquer.
On imaginait volontiers l’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats d’Avignon, Me Guillaume de Palma, tailler pointues ses flèches en prévision de sa montée à la barre, prévue ce mardi 3 décembre devant la cour criminelle du Vaucluse. Une pour les médias, qui avaient largement relayé les commentaires atterrés après sa sortie calamiteuse en début de procès – «Il y a viol et viol», avait-il suggéré. Une pour les collectifs féministes et leurs collages quadrillant le centre-ville d’Avignon, certains pouvant, selon lui, «être considérés comme des appels à la haine», s’était-il plaint vendredi dernier auprès du président de la cour. Une encore, dans la lignée des quelques avocats de la défense qui l’ont précédé, contre les réquisitions du parquet, une douzaine d’années en moyenne à l’encontre des 50 hommes accusés de viol ou agression sexuelle sur Gisèle Pelicot, des peines qu’il estime «disproportionnées» au regard des vingt ans requis contre Dominique Pelicot.
C’est finalement l’un de ceux qui, jusqu’ici, aura le plus tenté, dans sa plaidoirie, de ramener le procès dans le cadre du droit, esquivant les longs tunnels moralisateurs empruntés par ses confrères. «Je ne pense pas que le verdict de la cour criminelle du Vaucluse fasse que nos enfants soient mieux éduqués, laisse-t-il tout de même échapper. Ce n’est pas sa mission : la justice pénale applique le droit pénal, la cour criminelle n’a pas à juger du crime en sociologie.» Sa stratégie «générale» (il reviendra plaider plus tard les histoires particulières des six accusés qu’il défend avec sa consœur Alexia Berard) : détricoter chaque faiblesse du dossier, du temps de l’enquête à l’ordonnance de mise en accusation pour, à défaut de disculper ses clients qui ne reconnaissent pas les faits, inciter la cour à «juger à hauteur d’homme».
«Attitude de maestro, de parrain»
Que savaient-ils vraiment en arrivant chez Dominique Pelicot et pourquoi n’ont-ils pas réagi, confrontés à une situation que nombre d’entre eux avaient déjà, sur le coup, trouvée «bizarre» ? «Ce dossier est d’abord celui de la manipulation mentale, commise par un homme dont les réquisitions oublient très vite qui il est», résume l’avocat, renvoyant, comme d’autres avant lui, l’essentiel de la responsabilité sur le retraité qui l’écoute sans ciller depuis son box, légèrement en hauteur. «Une sorte de pigeonnier», cingle Guillaume de Palma, depuis lequel il «distribue les bons et les mauvais points» depuis le début du procès. «Cette attitude de maestro, de parrain… grince l’avocat. Comme si du haut de son siège, il avait un quelconque pouvoir sur les autres !»
Puis, se tournant vers les deux avocats généraux : «Votre hypothèse est toujours la même : Dominique Pelicot dit encore et toujours la vérité. C’était déjà votre postulat durant l’instruction, deux mois de procès n’y ont strictement rien changé. Combien faut-il qu’ils soient à vous le dire ?» Ils sont pourtant nombreux à l’avoir souligné à la barre, Maître de Palma les a listés : «Pervers multicarte», «personnalité perverse» selon divers experts, «le diable en personne» pour l’un de ses fils, «menteur depuis plus de trente ans» pour son frère. «Ne sommes-nous pas dans une situation où il faille un tout petit peu remettre en cause ce que dit Dominique Pelicot ?» insiste l’avocat.
«Leur tort ? Faire confiance»
D’autant que si Dominique Pelicot dit vrai, ce sont ses clients qui mentent. Or pointe-t-il, Christian L., Nizar H., Cyril B., Mahdi D., Adrien L., et Boris M. ne se connaissaient pas lors des premiers interrogatoires, lorsque tous racontent «à l’unisson» qu’ils étaient invités à Mazan «non pas pour participer à un jeu libertin, mais pour avoir une relation sexuelle dans un scénario». Ces hommes «naïfs, simples, ordinaires» répète l’avocat, ont été «trompés», «leurrés» par Dominique Pelicot, «placés ici et là comme des objets, au même niveau que Gisèle Pelicot», soutient-il même.
Surtout coupables, à le suivre, de «ne pas avoir compris la situation en quelques minutes» : «Je reste persuadé que mes clients ne savaient pas, empêtrés qu’ils étaient dans l’écheveau de mensonges de Dominique Pelicot. Leur tort ? Faire confiance, donner du crédit, ne pas imaginer l’inimaginable : qu’ils se retrouvaient avec le plus gros délinquant sexuel du XXIe siècle», résume-t-il, en écho aux mots de la fille de Gisèle Pelicot, Caroline Darian, devant la cour.
Une enquête menée en solo
L’avocat le concède : passé le temps de mise en confiance, face au corps inerte de Gisèle Pelicot, aucun ne s’est «posé la question. Ou trop tard.» Peut-être parce qu’eux aussi auraient été drogués, suggère Guillaume de Palma, s’appuyant sur les verres que certains accusés racontent avoir bus à leur accueil dans la cuisine de la maison de Mazan – ce que Dominique Pelicot a toujours démenti. L’absence de souvenirs de l’un, la langue bleue révélée par les vidéos d’un autre… Faute d’investigation – «et je le regrette» –, l’avocat a lui-même fait son enquête sur les effets de divers médicaments évoqués en début d’instruction.
«Je ne vois pas pourquoi monsieur Pelicot aurait passé une bonne partie de sa vie à droguer tous ceux qui étaient à ses côtés et se serait empêché de faire de même pour les autres. Si ce dossier est celui de la soumission chimique, c’est aussi le nôtre !» Pour le détail des accusés dont il assure la défense, Guillaume de Palma repassera à la barre la semaine prochaine, parmi les derniers à assurer les plaidoiries avant que la cour ne se retire pour délibérer.
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