Avec les associations d’aide aux usagers de crack à Paris : «On est surtout une soupape de décompression»

Avec les associations d’aide aux usagers de crack à Paris : «On est surtout une soupape de décompression»

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Dans le Nord-Est parisien, le long du périphérique, la forêt linéaire est un lieu d’achat, d’usage et d’errements pour les consommateurs de crack. Pour créer du lien social et offrir un peu d’aide, des associations vont à la rencontre des consommateurs.

Le thermomètre atteint difficilement les 5 degrés. Diego et Hugo, salariés de l’équipe «réduction des risques» de l’association Charonne entament leur maraude. Direction la forêt linéaire, dans le nord du XIXe arrondissement de Paris, qui jouxte le canal de Saint-Denis. Un mélange de végétation et de terre devenue boue au gré des averses. Avec un sac à dos rempli de compresses, lingettes et préservatifs, les deux trentenaires font de «l’aller vers». Autrement dit : ils vont à la rencontre des usagers de crack, qui ont trouvé dans cet espace en marge, scindé en deux par le périphérique, un endroit pour acheter, consommer, ou simplement errer. Un lieu isolé, où la végétation laissée à l’abandon offre un espace à l’abri des regards, en particulier pour sa partie nord qui rend cette zone «coupe-gorge et peu sécurisée, surtout pour les femmes consommatrices», alerte Diego. Température oblige, le long du chemin boueux qui traverse les taillis, «les premiers feux de camp ont fait leur apparition», remarque Hugo. Autour, assis sur des rondins, les usagers se réchauffent comme ils peuvent.

Depuis les années 80, les usagers de crack parisiens n’ont cessé les allers-retours entre différents points de consommation, principalement dans le nord-est de la capitale, entre Stalingrad, Porte de la Chapelle, le jardin d’Eole, ou le square Forceval, évacué en octobre 2022. Depuis, aucun campement de grande ampleur ne s’est recréé, laissant cette population marginalisée dans un isolement encore plus important. Un phénomène encore amplifié en 2024 avec la politique d’invisibilisation menée en vue des Jeux olympiques et paralympiques : une présence policière et des contrôles intensifiés ont forcé les usagers à être en mouvement permanent. Compliquant d’autant le travail des équipes de maraudes qui ont «perdu de vue certaines personnes», explique Diego.

Echapper au quotidien

Créer un lien social, c’est la mission de la maraude pédestre de Charonne. Diego et Hugo déambulent, observent, croisent un habitué, s’enquièrent de sa situation. «Tu dors où en ce moment ?» Les réponses varient. Certains sont logés par Assore, un dispositif de mise à l’abri dans plusieurs hôtels d’Ile-de-France. D’autres sont à la rue de-ci de-là. Quelques-uns vivent dans la forêt linéaire.

Puis les deux hommes croisent Sandrine (1) et Nadège (1). Elles racontent leur quotidien, leurs vies cabossées. Les visages se ferment, les yeux s’embuent. Sandrine raconte avoir été violentée par le personnel médical lors d’une prise en charge pour une blessure à la tête. Une situation «loin d’être anodine» déplore Diego : les usagers de crack sont stigmatisés aussi dans le milieu médical, ce qui aggrave leur isolement et les met en danger. Certains «n’osent plus se faire soigner», et voient leur santé se dégrader. Un cercle vicieux qui peut mener au pire, comme pour cet «ancien habitué décédé de la tuberculose, il y a moins d’un an, faute de soins», se souvient Diego.

Cette stigmatisation est due à une méconnaissance du grand public. Alors, pendant que Diego et Hugo sont dans la forêt linéaire, Anaëlle et Nolwenn, deux autres membres de l’équipe, maraudent à la rencontre des riverains du quartier Rosa Parks. La médiation, «c’est aussi notre rôle», explique Nolwenn. Les consommateurs sont avant tout des personnes en grande précarité, marginalisées, certaines atteintes de troubles psychiatriques, avec un parcours de vie difficile. Alors le crack «n’est pas la problématique, mais une solution trouvée par les usagers pour échapper un moment à leur quotidien», martèle Diego.

«Courage politique»

Après un bon quart d’heure de conversation, Nadège conclut : «Merci, ça m’a fait du bien de vous parler.» Hugo contextualise : «On est surtout une soupape de décompression.» Plus loin, Diego et lui croisent le camion de l’association Gaïa, qui distribue du matériel de consommation, ainsi que l’Unité d’assistance aux sans-abri, une structure municipale composée de travailleurs sociaux. Ils échangent, prennent des nouvelles des habitués : «Vous avez vu Aden (1) ?» Avec les usagers, tous se retrouvent dans un mélange hétéroclite, où rires et sourires sont un pied de nez à la végétation laissée à l’abandon et à la boue qui recouvre les chaussures. Hugo et Diego se présentent aux nouveaux venus et redirigent les consommateurs vers des structures qui peuvent les accompagner, comme les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues. L’association Charonne en gère trois. Entourés par des éducateurs, les usagers peuvent s’y reposer, se doucher et sont aidés dans leurs démarches administratives. Diego souligne la limite de ces dispositifs : «Les personnes qui ne viennent pas sont souvent celles qui sont les plus en marge, certaines avec des problèmes psy lourds.»

Pour pouvoir intensifier l’aide aux consommateurs, la prochaine étape serait d’instaurer «plusieurs salles d’inhalation», expose Diego. Une façon «d’encadrer la consommation dans un espace sain», tout en brisant l’isolement subi par les usagers et ainsi les «sortir de leur routine où la drogue est leur seule perspective». Mais comme avec toutes les stratégies de santé publique qui concernent la consommation de drogue, cela «demande du courage politique», relève Anaëlle.

(1) Les prénoms ont été modifiés.

Libération

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