:quality(70):focal(1344x830:1354x840)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/MXPNWGGJOFFPVCCENRS4POJTTQ.jpg)
TRIBUNE
Article réservé aux abonnés
En 1989, un féminicide de masse commis par un tueur qui revendiquait «haïr les féministes» a eu lieu à l’Ecole polytechnique de Montréal. Trente-cinq après, l’écrivaine québécoise dénonce la domination masculine qui veut encore aujourd’hui imposer le silence aux femmes.
par Martine Delvaux, écrivaine québécoise, professeure de littérature à l’université du Québec à Montréal
Tous les ans, depuis maintenant plus d’une décennie, je demande à mes étudiant·e·s, à mes ami·e·s, sur les réseaux sociaux : «Où étiez-vous le 6 décembre 1989 ?» Où étiez-vous au moment où quatorze jeunes femmes mouraient, dans une salle de classe de l’Ecole polytechnique de l’université de Montréal, au bout de l’arme semi-automatique d’un dénommé Marc Lépine ?
A lire aussi
J’avais 20 ans. J’étais étudiante, moi aussi, à l’université. Ma meilleure amie faisait des études de génie électrique. Le lendemain du 6 décembre, assises l’une devant l’autre dans un café sur le campus de l’université d’Ottawa, nous étions catastrophées, meurtries, bouche bée. J’ai entendu mon amie murmurer : «Ça aurait pu être moi.» Moi, étudiante en littérature, jeune féministe, je me disais que ça aurait pu être moi aussi.
Aujourd’hui, trente-cinq ans plus tard, je me dis que ça peut encore être le cas, repensant à la professeure poignardée à l’université Waterloo, en Ontario, en juin 2023, dans un cours où elle enseignait la construction du genre à travers l’histoire de la philosophie, demandant : «Qu’est-ce que le genre ? Comment est-ce qu’on le fait ? Comment est-ce qu’on peut le défaire – si c’est bien ce qu’on souhaite ?» L’attaquant, un ancien étudiant, a plaidé coupable. Le procureur de la couronne a exigé, pendant les délibérés sur la sentence, que le crime soit considéré «haineux».
Le soir du 6 décembre 1989, tétanisées de douleur et de rage devant le journal télévisé, nous avons
Leave a Comment