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Les journées du vivant et de la Terre: interview
Comment imaginer la forêt du futur et à partir de quelles espèces ? Le point avec Brigitte Musch, chercheuse à l’ONF et responsable du Conservatoire génétique des arbres forestiers.
Rencontres, débats, concours photo… L’édition 2024 du forum «Naturellement !», organisé à Rouen par la fédération Biogée du 6 au 8 décembre 2024, aura pour thème «la forêt et l’humanité». Interview de Brigitte Musch, chercheuse à l’ONF, présente lors du forum.
Pouvez-vous nous détailler votre travail au conservatoire ?
Notre objectif est de proposer des solutions afin d’adapter les forêts aux changements climatiques. L’idée est de chercher les réponses dans la large palette du végétal existante. Pour cela, nous avons recours à des outils de biologie moléculaire pour quantifier la diversité mais aussi à des expérimentations comme des arboretums anciens. Ils nous permettent de sélectionner des espèces plus résilientes aux températures extrêmes et à la sécheresse. A côté de Rouen, l’arboretum du Petit Charme âgé d’une cinquantaine d’années nous fournit des informations importantes. Nous pouvons également visiter des massifs forestiers dont les conditions correspondent à nos projections futures. Autour du bassin méditerranéen, en Espagne, en Turquie, où la sécheresse est plus importante et où poussent des espèces proches des nôtres, du chêne, du hêtre. Le pin de Salzmann par exemple se situe en limite nord de peuplement en France et il est très présent en Espagne.
En parallèle, l’ONF a mis en place une phase de diagnostics des forêts…
Nous sommes effectivement en train de participer à un observatoire de la forêt avec l’IGN, l’Institut national de l’information géographique et forestière. L’idée est d’accumuler des données grâce à un maillage de l’état de nos forêts, des dépérissements, des coupes des arbres morts. Le suivi dans le temps grâce à des images régulières va permettre de voir leur évolution. En ce moment, nous avons une crise sur l’épicéa, dans le Doubs notamment. Des forêts emblématiques, celle de Tronçais en Allier, sont passées en urgence car les chênes souffrent beaucoup. Nous avons des peuplements en danger dans le sud de la France, où des zones de sapins en basse altitude sont en danger. Nous essayons de proposer des stratégies face à ces pertes.
Jusqu’à peu, 80 % des forêts de l’ONF se reconstituaient, sans plantation. Ces chiffres vont changer, même si notre objectif premier est de régénérer naturellement. La vision de la forêt est en mutation. Pendant longtemps, nous avons cherché des arbres droits et rapides en croissance. Maintenant, nous visons la résilience et la diversité, à accroître la présence de tilleuls, d’alisiers torminaux, de cormiers. Disséminés dans la forêt, ils attirent les insectes et contribuent à la richesse de l’écosystème forestier, même s’ils ne sont pas toujours valorisés.
Comment l’ONF entend mener cette diversification ?
Nous pouvons procéder à de la migration assistée. Prendre des espèces installées plus au sud et les implanter au nord. Des cousins germains de nos chênes, comme le chêne Zéen absent de notre territoire mais qui résiste bien aux sécheresses. Une fois les graines récoltées – avec les autorisations sanitaires adéquates afin d’éviter les maladies –, nous étudions leur diversité génétique. En gros, plus il y en a, plus nous avons de chance que l’espèce s’adapte. On peut également faire le pari d’introduire des espèces plus éloignées. Nous avons ce programme d’étude mené avec l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) sur le cèdre de l’Atlas. Il a été introduit par Napoléon III sur le mont Ventoux, planté dans des conditions abominables, et il a survécu. Il est très beau d’un point de vue paysager et il possède l’avantage d’être très résistant. Nous essayons donc de mieux connaître cette espèce avec des dispositifs expérimentaux. L’important est de bien tracer et de suivre tous ces résultats. Assembler le maximum d’informations en un minimum de temps car c’est maintenant qu’il faut agir.
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