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Face aux dégâts causés par les entreprises les plus polluantes, Paloma Moritz, journaliste et responsable du pôle écologie du média en ligne Blast, appelle à réinventer nos démocraties en impliquant davantage les citoyens que nous sommes.
Nos sociétés modernes se sont construites sur un recours massif aux énergies fossiles : charbon, pétrole et gaz. Ces dernières ont permis l’avènement de la société de consommation, d’une forme d’abondance, de confort aussi. Mais peut-on vraiment affirmer que sans ces ressources, il n’y aurait pas de démocratie ? Prenons un peu de hauteur.
Nous faisons face aujourd’hui au plus grand défi que l’humanité ait jamais affronté : l’urgence écologique. Des dizaines de milliers de personnes meurent des conséquences du dérèglement climatique, des centaines de milliers d’espèces ont disparu, notre planète menace de devenir inhabitable… Et tout ceci est lié en majeure partie à notre dépendance aux énergies fossiles.
Nous connaissons ce scénario catastrophe depuis au moins cinquante ans. Durant toutes ces années, les scientifiques ont alerté inlassablement. Le 28 août 2023, encore, 45 climatologues mondialement connus rappelaient dans le quotidien britannique The Guardian que l’humanité a tous les outils nécessaires pour faire face à la crise climatique et réduire ses émissions. L’action la plus décisive à prendre étant d’arrêter totalement de brûler les combustibles fossiles. Pourtant, malgré tous ces cris d’alarme, aucun gouvernement démocratique au monde n’a été à la hauteur de la gravité de la situation. La consommation mondiale de pétrole continue d’augmenter. Et les émissions de gaz à effet de serre devraient atteindre un nouveau record en 2024.
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Qui a décidé de cette trajectoire funeste ? Certainement pas les citoyens… Le climatologue américain Michael Mann le résume parfaitement : «La grande tragédie de la crise climatique est que sept milliards et demi de personnes doivent payer le prix, sous la forme d’une planète dégradée, pour que quelques dizaines d’entreprises polluantes puissent continuer à faire des profits records. C’est un grand échec moral de notre système politique que nous ayons permis que cela se produise.»
De nombreux travaux de recherche montrent que la hausse dramatique des émissions de CO2 est en grande partie due aux campagnes de l’industrie fossile pour retarder l’action et fabriquer le doute sur le changement climatique. Le chaos climatique actuel est le résultat d’un système économique et de choix politiques que très peu de gouvernants sont prêts à remettre en question. Alors où est la démocratie si ce sont les intérêts privés qui guident les décisions publiques ? Si l’on met l’humanité en danger au nom du profit ? Si les citoyens subissent les conséquences de choix politiques auxquels ils n’ont pas pris part ? Que ce soit sous forme d’inondations dévastatrices (comme récemment en Espagne), de canicules meurtrières, d’incendies, d’ouragans…
Pour éviter le pire, il est plus urgent que jamais de redéfinir collectivement nos besoins pour que chacune et chacun puisse vivre dignement tout en consommant moins d’énergie. L’évidence est là. Trouver une voie pour sortir des énergies fossiles nécessite de réinventer nos démocraties, de permettre aux citoyens de participer aux décisions qui les concernent pour dessiner ensemble un nouveau projet de société, plus juste et «défossilisé».
Face à la menace existentielle que constitue l’urgence climatique, nous ne pouvons rester à l’âge de pierre démocratique. La démocratie n’est pas un état de fait, c’est une recherche perpétuelle, une dynamique, qui, pour bien fonctionner, doit être sans cesse questionnée, améliorée. Et les pistes sont nombreuses : référendums, assemblées citoyennes, conseil écologique, 3e chambre citoyenne… La Convention citoyenne pour le climat a montré que lorsque l’on permet à 150 citoyens d’être formés, de délibérer, de comprendre les tensions à l’œuvre, ils proposent des mesures bien plus ambitieuses qu’aucun gouvernement avant eux. Alors, qu’est-ce qu’on attend ?
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