Ecologie populaire : à Marseille, la ferme urbaine du Talus veut «créer un lien» avec la cité d’Air-Bel

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Installé au pied du quartier populaire d’Air-Bel depuis 2018, ce tiers lieu écolo tente de lier justice climatique et justice sociale.

«A l’origine, on voulait savoir à quel point on peut faire de l’agriculture en ville. Surtout à Marseille. Mais en fait, on s’est rendu compte que l’écologie, c’est une question de riches. Plutôt que de continuer nos activités de privilégiés aux portes des immeubles de la cité, on a voulu créer un lien avec elle.» Au pied des tours du quartier d’Air-Bel, Youna Lars, la vingtaine, responsable de la vie associative du Talus, raconte ce projet de ferme urbaine qu’elle porte depuis maintenant trois ans. A peine le portail d’entrée dépassé, l’ambiance du lieu détonne avec l’agitation de la voie rapide qui y mène. Entre deux barres d’immeubles de ce quartier prioritaire se cache un jardin de 800 mètres carrés, accompagné d’un «village de containers» prêt à accueillir habitants et visiteurs. Des structures faites à la main, des tables de bois, une cuisine ouverte : au Talus, «on prend soin des autres, de soi et de la nature», indique une pancarte.

Les pieds dans la terre, on découvre un jardin pédagogique à quelques pas d’une table de mixage, un espace compost côtoie un terrain de pétanque tandis que des légumes poussent à l’ombre des tours de la cité. Entre le 11e et le 12e arrondissement de Marseille, le Talus constitue, depuis 2018, «un tiers lieu, une ferme urbaine, un espace de médiation, un lieu refuge». Et si Youna Lars, l’une des plus anciennes adhérentes, peine à définir cet espace, c’est bien qu’il incarne un ensemble complexe. Là, au cœur des champs de béton de la cité d’Air-Bel, germent les graines de l’espoir.

Des programmes proposés aux habitants du quartier

Quand on pense quartier marseillais, on ne pense pas écologie. Asphalte brûlant et étendues de bitume ne riment pas avec herbe verdoyante et potagers garnis. Mais pour Hippolyte Le Bougnec, responsable administratif et financier de l’association Heko Farm, qui pilote le Talus, le lien avec la cité est indispensable : «Un lieu, c’est avant tout une implantation dans un territoire. Plus qu’une volonté d’intégrer le quartier dans notre projet, c’est une nécessité que le projet soit tourné vers lui.» Au Talus, les dix salariés s’appliquent à promouvoir les pratiques agroécologiques et le vivre ensemble au travers de divers programmes proposés aux habitants du quartier : sensibilisation aux pratiques agricoles, mise à disposition d’un jardin partagé, activités de cuisine responsable…

Depuis quatre ans, le Talus est aussi en collaboration étroite avec l’école élémentaire d’Air-Bel. Les élèves de CP et CM2 se rendent tous les vendredis sur place. Sophie, responsable des séances, se charge d’animer les activités de sensibilisation à l’environnement. «La première fois, les enfants sont assez réticents à l’idée de s’asseoir par terre, ou de mettre les mains dans la terre. Mais dès la deuxième séance, ils déconstruisent cette image et manifestent un réel intérêt», assure-t-elle. L’écologie, abstraite et lointaine, s’immisce dans leur quotidien, au pied de leur porte. «Après ces ateliers, beaucoup reviennent au Talus avec leurs parents. Ils matérialisent le fait que l’écologie, ça existe vraiment», résume Hippolyte Le Bougnec.

«Une porte d’entrée à la réflexion»

Répondre à l’urgence climatique sans alimenter la verticalité d’une écologie élitiste, c’est le défi que s’est lancé cette ferme urbaine. «Le plus gros risque, avec des porteurs du projet non issus du quartier, serait de sombrer dans le néocolonialisme. On ne veut surtout pas s’émanciper du rapport horizontal», prévient Hippolyte Le Bougnec. Pour éviter toute forme de condescendance, le responsable associatif insiste : les membres de l’équipe se doivent de comprendre «que les habitants sont confrontés à des problématiques que l’on peut ne pas connaître quand on ne vient pas d’ici». Précarité, logement, emploi : s’inquiéter de la cause environnementale n’est pas forcément une priorité là où les immeubles s’empilent, où le taux de chômage dépasse les 30 % et où la moitié des familles vivent sous le seuil de pauvreté.

«Ce lieu, c’est une porte d’entrée à la réflexion», explique Lucie, en service civique depuis six mois, tout en accueillant des visiteurs. Responsable des événements socioculturels, la jeune femme de 24 ans organise des rencontres festives au Talus : «L’écologie, on en parle, on en discute.» Une relation d’échange plus que d’enseignement, assurent les adhérents. «Au quartier, ils sont bien plus écolos que moi, insiste Youna Lars, dans l’association depuis trois ans. C’est eux qui m’apprennent.» Ici, justice climatique et justice sociale germent ensemble, dans les champs ombragés par les tours de la cité.

Libération

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