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Renaissance
La musique de l’artiste québécois sortie en 2009 enregistre des chiffres d’audience colossaux sur Spotify, une notoriété tardive, qu’elle doit aux réseaux sociaux. Mais même pour un tel succès, les plateformes de streaming et les applications ne sont pas toujours très rémunératrices.
Un record inattendu. La chanson «Je te laisserai des mots» du Québécois Patrick Watson, propulsée par l’application TikTok, est devenue la première chanson francophone à dépasser le milliard d’écoutes sur Spotify, a annoncé mardi 10 décembre la plateforme de streaming. «Ça a quelque chose de vertigineux, a commenté mercredi l’auteur-compositeur canadien sur Facebook. C’est un chiffre énorme, presque impossible à appréhender.»
«J’ai grandi à Montréal et suis extrêmement fier qu’une chanson française ait franchi la barrière de la langue», a ajouté l’artiste de 45 ans qui se classe ainsi devant d’autres artistes francophones à l’influence mondiale, comme le Belge Stromae ou la Franco-Malienne Aya Nakamura. Plusieurs de ses créations ont été utilisées dans le cinéma, notamment dans les séries américaines Grey’s Anatomy et The Walking Dead. Son morceau record, Je te laisserai des mots, ne fait pas exception : le Canadien a composé cette chanson il y a près de quinze ans, pour le film Mères et Filles, de Julie Lopes-Curval et avec Catherine Deneuve, sorti en 2009.
Une vieille musique exhumée
En 2019 déjà, la chanson a connu un regain d’intérêt sur YouTube dans une vidéo associant la mélodie à des images d’archives, avant d’être propulsée sur Tiktok quelques années plus tard. En 2022, soit treize ans après sa sortie, des utilisateurs du réseau social Tiktok exhument le single et l’utilisent en bande-son de vidéos nostalgiques durant le confinement. Des célébrités comme Justin Bieber l’ont également reprise, galvanisant sa popularité sur l’application chinoise. Aujourd’hui, des millions de publications reprennent le titre québécois.
Le phénomène est récurrent ces dernières années, propulsant arbitrairement des musiques au sommet des charts en fonction des tendances du moment. Une célébrité importune pour certains artistes, qui y voient une altération de leur œuvre, notamment quand leurs morceaux sont modifiés ou qu’ils accompagnent des tendances déconnectées de leur travail.
Le Québécois, lui, considère son succès sur les réseaux sociaux plutôt comme une opportunité. «La chanson pop moderne est aujourd’hui la bande-son des films personnels des gens», a-t-il analysé pour le quotidien canadien Globe and Mail en 2022, alors que son single commençait à devenir viral sur TikTok. «Le tube moderne […] rend votre vie quotidienne plus intéressante et romantique» sur les réseaux sociaux, avait-il ajouté.
Chiffres faramineux mais bénéfices flous
Et si les chiffres sont plutôt reluisants, ils ne laissent pas forcément présager un joli pactole pour l’artiste. Sur Spotify, un million d’écoutes génère à peine 1 000 euros, révélait le directeur de Label Benoît Tregouet à CheckNews en prenant l’exemple d’une artiste signée chez lui. Si l’on considère que Patrick Watson dépend du même régime – c’est hypothétique, car les contrats peuvent varier –, sa musique Je te laisserai des mots lui aurait rapporté la coquette somme d’1 million d’euros. Pas mal, mais pas énorme non plus pour une musique qui bat un tel record d’audience. Alors que dire de ceux qui n’ont que quelques centaines de milliers, voire dizaine de milliers d’écoutes ? L’an dernier déjà, le gouvernement français alertait sur ces faibles monétisations des plateformes, qui mettent en péril le travail des artistes.
Patrick Watson risque d’ailleurs de ne pas être mieux loti sur TikTok, qui était justement accusé par le label Universal au début de l’année de ne pas rémunérer suffisamment les artistes. Dans un article de Radio France, l’artiste britannique Thomas Hewitt-Jones, dont la musique Funny Song avait été réutilisée 372 000 fois sur l’application, révélait n’avoir touché de sa part que 500 euros. Difficile de déterminer combien le Canadien a été rémunéré avec sa musique virale car la plateforme ne délivre pas de chiffres clairs. On sait toutefois que celle-ci n’a contribué financièrement qu’à hauteur de 0,44 % au marché mondial de la musique en 2022, selon le dernier rapport annuel de Goldman Sachs, un chiffre dérisoire alors que la musique est omniprésente sur l’application.
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