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«Je ferai attention à mes prochains flocages : je m’en tiendrai à des noms de joueurs.» C’est la leçon que dit retenir Mehmet D., qui était jugé au tribunal correctionnel de Paris ce jeudi 12 décembre pour «provocation à la haine raciale». L’homme de 29 ans avait porté dans le métro parisien un maillot floqué «anti juif», le 21 octobre. Des photos avaient circulé sur les réseaux sociaux et l’exploitation des images de vidéosurveillance avait permis de l’identifier. Il s’était rendu de lui-même aux services de police et avait été placé sous contrôle judiciaire.
L’audience devait permettre de statuer sur certaines questions restées en suspens, notamment les motivations de Mehmet D. ou le devenir du maillot, qui n’avait pas été retrouvé lors de la perquisition à son domicile. «C’était une période difficile où j’étais en colère», s’est justifié dans un premier temps le prévenu. Il évoque une déception amoureuse ou encore ses difficultés à trouver un emploi. Le gros de sa ligne de défense repose sur des supposés troubles bipolaires, qui l’auraient poussé à déambuler avec le message antisémite. «Je voulais retirer le maillot, mais j’avais peur d’être sanctionné pour exhibitionnisme. Tout le monde fait des erreurs», enterre-t-il. Célibataire et vivant chez ses parents, le prévenu, inconnu des services de police jusqu’alors, peine à convaincre la salle d’audience.
Qu’est devenu le maillot ? L’explication de Mehmet D. ressemble à une curieuse recette de cuisine : «Je l’ai plongé dans l’eau bouillante pendant une vingtaine de minutes et j’ai retiré les lettres au fer à repasser.»
«L’antisémitisme n’est pas une maladie mentale»
Le prévenu raconte qu’au départ, il souhaitait que son maillot soit floqué «anti Tsahal». Il dit avoir finalement renoncé à cause de la limite de caractères. Interrogé sur le lien entre Tsahal et le judaïsme, penaud, Mehmet D. ne sait pas répondre. Les parties civiles s’étonnent que la marque du maillot, Puma, ait laissé la possibilité de personnaliser un maillot avec un tel message via leur boutique en ligne. «C’est impensable : personne n’a été interpellé par ce message, à aucun moment de la chaîne de production», fustigent les représentants de l’Organisation juive européenne, qui regrettent que le ministère public n’ait pas mené d’enquête sur ce volet.
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La clarté des prises de parole des parties civiles tranche avec les propos du prévenu. Pourquoi se promenait-il, en plein mois d’octobre, en tee-shirt alors que les images le montrent entouré d’usagers engoncés dans leurs écharpes ? «Il faisait chaud.» Son flocage faisait-il écho au conflit israélo-palestinien, comme il l’avait déclaré lors de sa garde à vue ? «Ce n’est pas politique, c’est un hasard.» Ses explications agacent, tandis que le rictus qu’il ne cesse d’afficher déconcerte l’assemblée.
Devant l’obstination du prévenu à se justifier par ses problèmes psychiatriques, Me Axel Metzker, avocat du Mouvement International contre le racisme et l’antisémitisme, perd ses nerfs : «L’antisémitisme n’a rien d’une maladie mentale.» Les expertises psychiatriques n’ont décelé «aucune altération ou abolition du discernement» chez le prévenu, selon le parquet, qui avait demandé ces expertises.
«Un coup de poing dans le ventre»
De lui-même, Mehmet D. évoque ses bonnes relations avec ses anciens employeurs dans un Carrefour City du centre de Paris : «Ils étaient juifs, mais gentils (sic). Ils m’aimaient bien.» Pourtant, il avait déclaré lors de sa garde à vue se sentir «exploité» et avoir été «traité comme un déchet». Lors de sa déambulation du 21 octobre, il s’était rendu dans une supérette de la même enseigne et avait eu une altercation avec une caissière qui avait refusé de le servir à cause de son flocage. Le prévenu nie pourtant mordicus un antisémitisme lié à un différend avec ses anciens employeurs.
Comme l’a rappelé le procureur, il était attendu du prévenu qu’il prenne conscience de la violence de son message. A la barre, la représentante de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme relate le témoignage d’une jeune femme, de confession juive, ayant croisé Mehmet D. : «C’était un coup de poing dans le ventre. De peur, je suis descendue à la station suivante.» Appelé à réagir à ce récit, le prévenu reste de marbre : «Si j’avais écrit anti-chrétien, les Français auraient été choqués. Anti-musulman, ce sont les Arabes qui auraient été touchés.»
A l’annonce du jugement, le sourire soulagé de Mehmet D. embarrasse. Il est condamné à six mois de prison avec sursis, une obligation de soins, un stage de citoyenneté ainsi qu’à des dommages et intérêts pour les parties civiles.
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