Guerre en Ukraine : Kyiv dans les affres d’une «roulette russe mortelle» et du cynisme de Poutine

Guerre en Ukraine : Kyiv dans les affres d’une «roulette russe mortelle» et du cynisme de Poutine

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Guerre entre l’Ukraine et la Russiedossier

Mettant à exécution les menaces morbides du Kremlin, l’armée russe a décoché vendredi 20 décembre huit missiles balistiques sur la capitale ukrainienne, faisant un mort et douze blessés, alors que les Européens se préparent à des négociations de paix.

Il fut un temps où lorsqu’on voulait défier un adversaire, on jetait le gant par terre et on se retrouvait le lendemain en terrain neutre, dans un combat pour l’honneur. Jeudi 19 décembre, lors de sa traditionnelle conférence de presse annuelle de quatre heures et des brouettes, le président russe Vladimir Poutine, visiblement surexcité à l’idée d’effrayer le monde avec son nouveau joujou, le missile balistique à portée intermédiaire Orechnik, a proposé aux Occidentaux sa version personnelle d’un duel de haute technologie au XXIe siècle. «Qu’ils déterminent une cible, disons Kyiv, a-t-il nargué. Qu’ils concentrent toutes leurs défenses antiaériennes là-bas, on lancera une frappe [d’Orechnik] là-bas, et on verra ce qui se passe.»

Le sourire entendu de Poutine a peut-être fait passer un frisson sur l’échine de quelques-uns des 27 dirigeants de l’Union européenne réunis au même moment à Bruxelles autour du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, pour s’assurer que ce dernier a bel et bien envie de faire la paix, sans trop savoir encore quelles garanties de sécurité apporter à l’Ukraine. Clac, dans la nuit de jeudi à vendredi, des pilotes russes rabattent le cockpit de leur chasseur MiG-31K, décollent dans le ciel russe de Briansk et s’apprêtent à faire redescendre les rêveurs sur le plancher des vaches. La cible, Kyiv, est verrouillée sur les radars. A 6 h 50, l’alerte antiaérienne renforcée, balistique, hurle dans la capitale ukrainienne, soudain soulevée par plusieurs ondes de choc.

«On n’a plus qu’à se demander les uns les autres : vous êtes en vie ?»

«Engins à grande vitesse se dirigeant vers Kyiv !» annonce instantanément l’armée de l’air ukrainienne. Selon Serhii Popko, chef de l’administration militaire de Kyiv, la ville est attaquée par cinq missiles balistiques Iskander russes, mais aussi KN-23, soit des missiles nord-coréens lancés sur une capitale européenne, ainsi que deux missiles hypersoniques Kinjal, reconnaissables entre tous au son de leur détonation. A l’oreille, la défense antiaérienne, qu’elle soit américaine ou allemande, tient bien le choc. Une majorité des projectiles aurait été interceptée, mais dans plusieurs arrondissements centraux de Kyiv, les débris retombant à la verticale provoquent de nombreux incendies, tandis qu’un missile s’écrase en plein centre-ville.

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Très vite, émergent sur les réseaux des images de la rue Velyka Vasylkivska, une des artères principales du centre-ville, ravagée par la déflagration et les flammes. Le corps principal d’un missile intercepté s’est écrasé sur le toit du centre d’affaires Toronto, à deux pas du stade olympique de Kyiv, détruisant les façades et les véhicules dans un quartier très peuplé et dynamique. Non loin ont également été endommagés un hôtel Holiday Inn, six ambassades et un nombre important d’appartements résidentiels, tuant une personne et en blessant douze. Une partie des vitraux de la rosace de la cathédrale Saint-Nicolas, vaste édifice néo-gothique érigée entre 1899 et 1909 et dédiée au culte catholique, a volé en éclat. Au petit jour, pendant que les pompiers éteignent les incendies, des riverains sortent des immeubles sous des couvertures, choqués, le visage en sang.

«C’est comme une roulette russe mortelle, les Russes continuent de frapper Kyiv, et il s’agit juste d’une question de chance quant à l’endroit où leurs missiles vont tomber, témoigne Tetiana Pechonchyk, activiste au centre Zmina, dédié à la défense des droits humains. Cette fois-ci, ça a atterri juste à quelques rues de ma maison, comme c’est déjà arrivé il y a deux ans. On n’a plus qu’à se demander les uns les autres : vous êtes en vie ? Oui, on est en vie. Vous tenez le coup ? Ouais, on tient bon.» Sur les ondes de Suspilne ou de Radio NV, certains experts se demandent si la veille au soir, Volodymyr Zelensky n’aurait pas donné à Poutine un prétexte pour déchaîner sa colère matinale en se lâchant sur les réseaux sociaux.

«Dovbayob, trou du cul d’ta race !»

Après avoir entendu le maître du Kremlin déblatérer de manière totalement cynique et franchement morbide que «la guerre, c’est intéressant», que ça bouge, et que les balles qui sifflent, ça change de la fadeur et de l’ennui du quotidien, Zelensky voit rouge, et sur X, jeudi soir, le président ou son bras droit communication tapote. «Les gens meurent et il trouve ça intéressant… Dovbayob !» Les Ukrainiens sourient. Il s’agit là d’une des insultes les plus trash de la langue ukrainienne. Quelque chose comme «espèce de connard de trou du cul d’ta race». Les dirigeants ukrainiens ont de quoi être énervés. Jeudi soir, la vice-Première ministre Olha Stefanichyna révèle que le pays vient de subir une de ses pires cyber-attaques.

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Des hackers russes ont pénétré au sein du registre national d’état civil, du registre unifié des personnes morales et des entrepreneurs individuels, ainsi que de celui des propriétaires. Temps d’intervention estimé pour restaurer les données : deux semaines. Toujours dans la nuit de jeudi à vendredi, de manière osée voire quasi-suicidaire, des troupes amphibies russes ont tenter de franchir le Dniepr à Kherson, dans le sud de l’Ukraine, pour y établir une tête de pont, deux ans après avoir quitté la ville. Deux groupes de reconnaissance russes auraient été annihilés, la cité étant massivement bombardée et laissée sans électricité. A Bruxelles, les dirigeants européens, Emmanuel Macron en tête, parlent de «stabiliser le chemin vers la paix». La paix, encore faudrait-il que les Russes veuillent la faire.

Libération

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