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Climat Libé Tour: tribune
La lutte contre le mal-logement à Marseille, enjeu social, revêt également un aspect par définition écologique, et opposer les deux sujets n’a dès lors pas de sens, plaide le sociologue Kévin Vacher.
Jeunesse, biodiversité, justice, décolonialisme… Toute l’année, Libé informe sur les enjeux de l’urgence écologique à travers une série d’événements gratuits et grand public. L’objectif : trouver des solutions concrètes au plus proche des territoires. Cinquième étape du Tour 2024 : Marseille, le samedi 19 octobre (entrée libre sur inscription). Un rendez-vous réalisé avec le soutien de la ville de Marseille, le Mucem et la Citadelle de Marseille, et en partenariat avec le Crédit Coopératif, l’Ademe, le groupe VYV, le groupe SOS, Asics, la Fondation Jean-Jaurès, Greenpeace, Oxfam, la Forêt des Possibles, le Lierre, Médiatransports, Pioche ! Magazine, Vert, le média et BFM Marseille. Entrée gratuite sur inscription.
Et si la vindicte, souvent exagérément marseillaise, contre les «Parisien·nes» qui viennent s’installer à Marseille était en réalité un acte d’écologie populaire ? Peut-être, et ce n’est pas (seulement) de la provocation de ma part.
Depuis Marseille, parler de mal-logement ne semble pas, à première vue, lié à l’écologie. Les habitants et leurs collectifs citoyens revendiquent principalement des rénovations face à l’indignité des logements, la construction de logements sociaux, la régulation des prix et du marché locatif. Même si les ponts avec les caciques de l’écologie peuvent être faits, une compréhension restreinte de ces enjeux pourrait les catégoriser comme des préoccupations «sociales» auxquelles il faudrait «ajouter» des dimensions à proprement parler «écologiques». Cette dichotomie me pose problème. Durant mes quinze dernières années d’engagement contre le mal-logement, je ne me suis jamais posé la question en ces termes. De la «simple» entraide de voisinage aux grandes marches populaires qui ont secoué Marseille en 2018 et 2019, après l’effondrement de deux immeubles rue d’Aubagne, ces pratiques politiques spontanées représentent pour moi l’essence même de l’écologie.
La réhumanisation de ces questions à travers l’expression directe des habitants offre une réponse digne et fondamentalement écologique face à l’indignité du logement, et ce à double titre. D’abord parce qu’il s’agit de lutter contre un système qui tue l’humain en tant qu’être «vivant», ce qui constitue le cas limite du mépris social déshumanisant les classes populaires et les populations racisées. Dans une espèce qui ne respecte même pas l’existence de ses propres membres, notre capacité à vivre en harmonie avec le reste du vivant est gravement entravée. Ensuite, ce système représente l’expression extrême, dans le contexte urbain, d’une économie et de politiques publiques qui nous dépossèdent chaque jour de nos liens sociaux et de nos espaces. En revanche, nos luttes nous offrent la possibilité de redéfinir la manière dont nous voulons vivre avec nos écosystèmes les plus immédiats : dans nos immeubles, nos quartiers, avec nos voisins.
Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter de nouvelles revendications «écologiques» – mêmes «populaires» – aux combats pour le logement et le droit à la ville. Ces luttes habitantes sont déjà un mouvement d’appropriation des terres (urbaines), une revendication digne et écologique d’un désir de ne plus subir un système qui arrache nos existences à leurs espaces. Quand nous, Marseillais, nous marmonnons contre l’arrivée des Parisien·nes, c’est cela que nous contestons. Il n’est jamais question de refuser l’arrivée de personnes cherchant un logement à prix abordable et fuyant une capitale devenue invivable. Ce que nous dénonçons, c’est l’afflux de rentiers, de riches arrivants ou de propriétaires d’Airbnb qui s’emparent progressivement d’une ville dans laquelle nous luttons chaque jour pour faire valoir notre droit à décider de notre avenir.
Qu’on la dise ou non «populaire», et si c’était donc simplement ça, l’écologie ? Soutenir cette expérience, ce droit à nous approprier nos espaces collectifs, à affirmer ensemble une autre idée de nos existences politiques ?
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