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Le Libé des animaux
Le podium «Libé» des beaux livres photo sur la nature.
Tous les articles du Libé des animaux, en kiosque les 24 et 25 décembre, sont à lire ici.
Longtemps la photo animalière a été regardée avec un peu de condescendance, elle est aujourd’hui incontournable. En témoignent ces trois livres, qui illustrent la grande diversité des regards en matière photo de nature et d’animaux. Et l’attachement des photographes à toutes les formes du vivant, à plumes et cornes.
«Sauvages», au cœur de la nature suisse
En voilà un magnifique ouvrage qui renouvelle la photographie animalière. Lauréate de l’Enquête photographique fribourgeoise – un concours photo –, Laurence Kubski s’est intéressée à la relation entre les hommes et les animaux dans le canton de Fribourg. Dans cette région suisse, la faune est méticuleusement encadrée par l’homme qui la scrute et la décompte pour la protéger ou la chasser… Papillons, éperviers, cigognes, castors, poissons, blaireaux n’ont – presque – plus de secrets pour les ornithologues, les chasseurs, les pêcheurs, les vétérinaires, les taxidermistes ou les scientifiques. Les très belles photographies de Laurence Kubski, à la fois drôles et sensibles, témoignent de ces interactions constantes favorisées par les associations de protection de la nature mais aussi les nouvelles technologies, drones ou pièges photographiques. L’ouvrage fourmille par ailleurs d’informations : saviez-vous que la vipère péliade est pesée chaque année, son ADN prélevé et qu’on lui insère une puce ? Ou que des drones thermiques surveillent les champs afin que les faons cachés par leurs mères ne soient pas tués ? Ou encore que les cerfs perdent chaque année leurs bois qui se régénèrent ? Dans ce très beau livre inventif et tendre, la photographe a même simulé une course d’escargots, un souvenir d’enfance.
Sauvages de Laurence Kubski, éditions Textuel, 144 pp., 39 euros.
«Débâcles», dialogue graphique en altitude
Il ne s’agit pas à proprement parler d’un livre de photographie mais plutôt d’un dialogue entre fous de nature et, surtout, d’une rencontre entre photographie, bande dessinée, encre de Chine, aquarelle et peinture à l’huile. Il y a d’une part Jean-Marc Rochette, alpiniste, peintre et auteur de bande dessinée, père de la série Transperceneige et d’une trilogie alpine (Ailefroide. Altitude 3 954 et le Loup). Et de l’autre, Jérémie Villet, photographe animalier, arpenteur de terres enneigées, pisteur de l’Antarctique et auteur remarqué de Première Neige, un livre où les animaux surgissent comme des anges dans la ouate de l’hiver. Les deux hommes, qui ont une histoire avec le loup, se sont d’ailleurs rencontrés sur un tournage lors d’un affût aux loups, dans la vallée du Vénéon, en Isère. Débâcles – du nom du phénomène météorologique de rupture brusque de la glace, juste avant la fonte – est né de leur amitié et met en regard leurs deux univers, où se mêlent photographie, dessin, peinture et exploration des grands espaces et des hautes altitudes. Dans ce récit visuel singulier, les rares animaux apparaissent comme des mirages de beauté fugace, captés par la lentille de l’appareil ou croqués sur un flanc de montagne. On aperçoit des chamois, un loup gris, un ours, des aigles, une baleine et un superbe phoque. L’amour de la nature est traversé par la beauté de l’instant et l’inquiétude de l’avenir. Peu à peu, les photographies argentiques de Jérémie Villet, prises avec des pellicules périmées, se nimbent d’une couleur sang. En miroir, les toiles abstraites de Jean-Marc Rochette répondent à cet embrasement. Ce livre original est un hymne poignant et halluciné aux éléments de deux esthètes solitaires qui s’apprivoisent.
Débâcles de Jérémie Villet et Jean-Marc Rochette, les Etages Editions, 150 pp., 35 euros.
«Horses», on trouve sabot
On connaissait le travail en noir et blanc de Jane Evelyn Atwood sur Haïti, les prisons, les aveugles ou les prostituées transgenres. Etablie en France, l’Américaine a l’habitude de s’immerger de façon intense dans des sujets au long cours en suivant une boussole : son intérêt profond pour l’humain. On connaissait moins en revanche sa passion pour les bêtes et plus précisément les chevaux. Voilà chose réparée avec le bel ouvrage Horses, paru en octobre. «Je veux montrer la beauté somptueuse de ces animaux, leur façon de bouger et de s’immobiliser, de se coucher et de se rouler sur le sol», écrit la photographe dans la préface. Comme hypnotisée, Jane Evelyn Atwood avale du regard les quadrupèdes. Elle scrute leur pelage, leur robe pommelée, leur croupe dangereuse et leur silhouette vigoureuse. De la Bretagne à la Mongolie en passant par le Vermont, elle épouse leurs courses folles. Pas farouche, elle s’approche aussi de très près comme pour les caresser des yeux et les photographie les yeux dans les yeux. Attentifs à sa présence, les animaux dressent leurs jolies oreilles, petits écouteurs sensibles sortis de leur crinière en pétard. Si Jane Evelyn Atwood semble prendre tant de plaisir à photographier les chevaux, c’est tout simplement parce qu’ils sont «éloignés de la violence, du chagrin, de la peur, de la pauvreté et de la maladie», fléaux que la photographe a l’habitude de documenter. On sait aujourd’hui que les chevaux réconfortent, réchauffent et peuvent même soigner. Les contempler dans ce beau livre en noir et blanc fait du bien.
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