:quality(70)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/GTEKNUC44RBS3IXEFZASDTJ574.jpg)
Climat Libé Tour : interview
Pour l’écrivaine, journaliste et cinéaste, présente au Climat Libé Tour ce samedi 19 octobre, il est urgent de se réconcilier pour relever les défis du climat.
Flore Vasseur, écrivaine, journaliste, cinéaste, porte haut les luttes de ceux qui cherchent à faire émerger le nouveau monde écologique. Dans son long-métrage documentaire Bigger Than Us (paru en 2021), elle est allée à la rencontre de sept jeunes activistes des quatre coins du monde, engagés pour les causes environnementales ou sociales. Ce samedi 19 octobre, au Climat Libé Tour, elle a répondu à la question : «S’engager n’est-il qu’une affaire de jeunes ?», aux côtés de Salomé Saqué, journaliste, et Amine Kessaci, président de l’association Conscience. Pour apporter une réponse à la hauteur de l’urgence climatique, elle appelle à un dialogue intergénérationnel, une union des forces.
Vous vous êtes engagée pour l’écologie à la suite d’une discussion avec votre fils, inquiet pour son avenir. Quelle fracture constatez-vous entre les générations, dans la manière de penser l’écologie ?
Ce n’est évidemment pas du tout le même enjeu selon la génération. Pour la génération qui est au pouvoir, l’écologie, ce n’est qu’une mauvaise nouvelle. Parce qu’effectivement, souvent sans le savoir, ils ont contribué à la catastrophe de façon massive mais on ne leur a jamais dit que c’était un problème. Face à cela, il y a la génération de nos enfants, qui sont prisonniers entre un dogme de société qui dit «consomme sinon tu ne seras pas heureux» et «agis maintenant, ou le monde va s’effondrer». Donc l’écologie, ça ne veut pas dire la même chose selon l’âge qu’on a. Ce n’est pas le même niveau de compromission. Et ce n’est pas la même émotion non plus !
Une alliance des générations pourrait-elle constituer une réponse à la hauteur de l’urgence climatique ?
Le fait d’avoir toujours opposé les générations est une erreur absolue. Ma propre génération, c’était la génération du futur. La génération de mes parents, ceux qui ont fait venir le rock et tout, c’étaient les fous furieux. Etre jeune a toujours été une sorte d’étiquette, de facteur de trouble pour la société. Pourquoi ce n’est pas nouveau ? Parce que ça a toujours été utilisé pour nous séparer, pour nous faire oublier l’essentiel. L’essentiel, c’est qu’il y a une seule et même humanité, il y a une seule et même catastrophe qui prend des formes différentes, qui s’exprime selon là où vous habitez, avec les moyens que vous avez. Et personne n’en fera l’impasse. La vraie question, c’est, quels actes tu poses aujourd’hui, qui feront qu’à l’égard des générations qui vont venir, tu seras un bon ancêtre ? On est un épiphénomène dans une chaîne de vie monstrueuse.
Mais alors, comment on s’allie ?
En refusant les logiques de séparation. Parce qu’en fait, il faut faire, faire, essayer des trucs ensemble, se casser la gueule, réessayer, apprendre ensemble. Ce n’est pas comme si quelqu’un avait la solution. Et ça, c’est un deuil à faire ; personne n’a la solution. Mais il y a plein de gens qui tâtonnent. Et donc, ce n’est pas la question «qu’est-ce que vous faites maintenant ?», c’est «qui est-ce que vous avez envie d’être ?». Est-ce que vous avez envie d’être cette personne qui ne fait que critiquer, taper sur les générations d’au-dessus ? Ou est-ce que vous avez envie d’être celle qui propose de faire ensemble et d’apprendre notamment auprès des personnes qui ne sont jamais écoutées ? Donc maintenant, c’est à nous de ringardiser le système de compétition, de performance, d’ultra-rentabilité, d’efficience, d’efficacité. Et donc, de séparation.
Vous parlez beaucoup des émotions et «d’envie de vivre» pour motiver son engagement. Comment conserver cette motivation face à un système qui s’effondre ?
C’est vraiment un boulot énorme. On est non seulement face à un système qui s’effondre, mais avec un système médiatique et culturel qui ne propose aucune échappatoire. Parce que si vous êtes sur les réseaux sociaux, très vite, vous êtes dans des boucles, qui font que ça va venir vous conforter dans ce que vous ressentez profondément. Et même mieux le poser que vous ne sauriez l’exprimer vous-même. On est face à quelque chose de diabolique. J’aimerais bien vous dire qu’il y a une solution magique. Mais, en fait, on a oublié l’essentiel. On a oublié de se parler, on a oublié de s’aimer. Et je vois que ça. Je pense que toutes les velléités d’engagement pour détruire, critiquer, lutter contre, c’est inévitable dans un parcours d’engagement. Mais lutter pour, c’est énergétiquement et même spirituellement complètement autre chose. Ça vous met ailleurs. Et vous devenez vraiment heureux à ce moment-là. Dans cette période d’ultra-fragmentation, partout, tout le temps, pour moi c’est un énorme soulagement et une vraie joie que de s’engager, de militer, d’espérer.
Leave a Comment