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Elle était l’une des plus vieilles résistantes françaises. Geneviève Callerot est morte, jeudi 16 janvier en soirée, à l’âge de 108 ans, dans la maison de retraite de Saint-Aulaye-Puymangoude où elle résidait, en Dordogne. Annoncée par Ici Périgord, l’information a été confirmée dans la foulée par le maire du village.
Née à Paris en 1916, celle qui était la doyenne du département de la Dordogne, avait connu les deux guerres mondiales. Pendant la Seconde, elle s’était illustrée en faisant passer, avec sa famille, plus de 200 personnes en zone libre dans la Dordogne en partie occupée par les Allemands.
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Pour cet acte de bravoure, elle avait reçu, à 102 ans, la Légion d’honneur. Non sans peine, car elle l’avait d’abord refusée, justifiant «qu’il y a des tas d’autres gens qui la méritaient beaucoup plus». Elle avait fini par se raviser en l’acceptant «en association avec (s) es parents, (s) es frères et sœurs». Lors de la remise de la décoration, elle était accompagnée de son seul frère encore en vie sur cette fratrie de 5 dont elle était l’aînée : son cadet de 19 ans, Étienne Morise.
Trois arrestations
Juifs et autres clandestins, trop fatigués pour repartir le jour même, faisaient halte dans leur maison près de la ligne de démarcation à Saint-Aulaye. Le lendemain, Geneviève Callerot et sa famille s’exposaient au danger pour raccompagner, toujours entre midi et 14 heures, les fugitifs. «J’ai fait passer une femme et j’étais assez furieuse, racontait-elle en 2018 à l’AFP. Elle est arrivée en short rouge et en blouse jaune. Jamais personne n’a eu de short ici, en plus en rouge et jaune, ça se voyait à un kilomètre. Je lui ai fait mettre une jupe foncée, elle était furieuse mais j’ai tenu bon.»
Pendant ces années de résistance, la jeune femme fut arrêtée à trois reprises. «La première fois, j’étais sur la route avec ma bicyclette», racontait Geneviève Callerot qui portait toujours un sac d’orties et une faucille au cas où elle serait contrôlée par les Allemands. Pour se sauver, «j’ai expliqué à grand renfort de «cocorico» et de «coin coin» que je ramassais des orties parce qu’ils nous prenaient tout. Je ne sais pas s’il a compris que je ramassais des orties pour nourrir mes «coin coin» et mes «cocorico» !».
La troisième arrestation lui a valu de passer trois semaines en prison à Libourne. «Je ne faisais pas passer que des évadés, se rappelle-t-elle. C’était une cousine de ma mère qui avait 56 ans et un jeune homme de 17 ans qui revenait de vacances. Quand on a été arrêtés, on était dans les bois. J’ai dit que j’allais voir mon fiancé. J’ai inventé un fiancé, Jacques Martin. Le temps qu’ils répertorient tous les Martin de France…».
La propre conteuse de sa vie agricole et résistante
La France libérée, Geneviève Caillerot s’est lancée dans l’agriculture et s’est installée dans une ferme en polyculture avec son époux. Cette passion l’a tenue tout au long de sa vie puisque «à 95 ans, elle allait encore labourer avec son tracteur», relate Yannick Lagrenaudie, le maire de son village, qui retient d’elle une «personnalité forte», «des yeux rieurs» et «curieu [se] des autres».
Pour l’édile, cette mère de trois enfants qui avait «une vie de labeur» souvent «les pieds nus dans la terre», était aussi «une personne très cultivée et très sage qui faisait un bilan de sa vie sans acrimonie, ni amertume.» D’ailleurs, une fois à la retraite, cette périgourdine éclectique se mit à l’écriture et publia six romans paysans.
Dans son sixième et dernier livre, Deux filles sous la botte, chronique d’une famille pendant l’Occupation, Geneviève Caillerot avait écrit à partir de 600 lettres échangées pendant la guerre, «parce que bientôt personne ne pourra plus dire : j’ai vu… j’y étais…» expliquait-elle. Cette histoire, «elle aimait [la] partager avec les collégiens de la commune», assure Yannick Lagrenaudie. «Elle a fait beaucoup de résistance pendant la guerre. Ce n’était pas une guerrière mais c’était une combattante, une combattante de l’ombre. Elle a pris beaucoup de risques, mon père et sa sœur aussi», estimait le petit frère, décédé en 2024.
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