Dealers, femmes voilées, accusés, casseurs… Quand l’usage du masque chirurgical est détourné

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L’épidémie de Covid-19 nous paraît déjà loin. Si certains chopent toujours le virus qui a paralysé la Terre entière, l’ombre du fameux « coronavirus » semble progressivement se déliter, emportant avec elle les termes de « confinement », de « pass vaccinal » ou encore de « geste barrière ». Il est cependant un souvenir de cette épidémie qui semble bien décidé à rester ancré dans la vie des Français. Déjà adopté par les Asiatiques pour protéger les autres de leurs virus, le masque sanitaire fait de la résistance.

Cet objet tant convoité que nos élus n’arrivaient pas à trouver, allant jusqu’à prétendre qu’il n’était pas nécessaire ni utile, est toujours bien présent, affichant sa délicieuse couleur bleu hôpital ou ses variantes noire ou blanche. Mais pas toujours pour des raisons médicales. Si les plus fragiles continuent de le porter par nécessité de se protéger, certains l’ont quelque peu détourné de son usage primaire. Pour quelle raison ? Résumons-le en trois mots : pour se cacher.

Les accusés des viols de Mazan

A leur arrivée aux abords de la salle d’audience, de nombreux accusés jugés dans le cadre de l’affaire des viols de Mazan tentaient de se cacher sous une casquette, des lunettes ou une capuche. Classique. La plupart de ces 49 hommes soupçonnés d’avoir violé Gisèle Pelicot ne voulaient visiblement pas être reconnus. Et bon nombre portaient un masque chirurgical pour dissimuler leur visage. En ont-ils le droit ? Pas simple.

La loi du 11 octobre 2010 rappelle qu’il est interdit de cacher son visage dans l’espace public « sauf exceptions ». Pour un carnaval, pour conduire un deux-roues motorisé ou pour faire de l’escrime, c’est autorisé. Il est aussi possible de porter un masque pour des raisons sanitaires afin de se protéger ou de protéger les autres. Les accusés de Mazan étaient-ils tous malades ou fragiles ? Absolument pas. Mais la crise sanitaire leur a sans doute donné ce droit. « La pandémie a modifié les pratiques, les habitudes. Elle a rendu plus facile le contournement de la loi. Notamment parce que le texte est suffisamment général pour s’adapter aux circonstances », assure Nathalie Wolff, maître de conférences en droit public.

De nombreux accusés du procès des viols de Mazan portaient le masque à leur arrivée à la cour criminelle d'Avignon.
De nombreux accusés du procès des viols de Mazan portaient le masque à leur arrivée à la cour criminelle d’Avignon.  - A. Robert / SIPA

Le masque s’invite parfois même jusque dans la salle d’audience de nos tribunaux. Jugé devant la cour d’assises spéciale de Paris pour son rôle joué dans l’attentat du journal satirique Charlie Hebdo en 2015, le terroriste Peter Cherif le portait tout le temps, alors même qu’il était seul dans son box. Difficile pour un juge de demander à un accusé d’ôter son masque, si ce dernier argue qu’il est potentiellement malade.

« C’est devenu une option possible pour ceux qui éprouvent une crainte ou un altruisme sanitaires. Le masque a désormais acquis un statut d’objet banal, voire courant. On imagine mal des personnes se rendre dans un tribunal en portant une cagoule !  », estime Franck Cochoy, auteur de l’ouvrage Le masque sanitaire sous toutes ses coutures.

Les dealers ne portent plus de cagoule

En bas des tours, ceux que l’on appelle les guetteurs n’ont visiblement pas baissé la garde face au virus. Ces jeunes hommes chargés de surveiller les allées et venues des forces de l’ordre pour protéger le trafic de stupéfiants qui se trame derrière eux adoptent bien souvent la protection chirurgicale. « Ils préfèrent mettre un masque plutôt qu’une cagoule ou un foulard, c’est plus discret. Dans certains endroits, ils l’ont tous », explique un policier rennais. « Et quand on les contrôle, ils nous disent qu’ils sont malades. Pour nous, c’est plus galère de les identifier. Mais on y arrive, on s’arrange », poursuit l’homme de terrain.

Une chaise, une capuche, un masque, une casquette. Pour les guetteurs, il est assez facile de dissimuler le visage.
Une chaise, une capuche, un masque, une casquette. Pour les guetteurs, il est assez facile de dissimuler le visage. -  L. Urman/IPA

« Le port du masque a largement régressé avec le recul de la pandémie, mais il n’a pas disparu. Nous croisons tous les jours des personnes qui le portent et nous y sommes habitués. Lorsqu’une personne porte un masque sanitaire, ses intentions restent ambiguës. Cette ambiguïté favorise son utilisation », ajoute le docteur en sciences sociales Franck Cochoy.

L’épineuse question des femmes voilées

A en croire les policiers, le port du masque chez les femmes de confession musulmane serait aussi devenu de plus en plus fréquent en France. « Comme le niqab est interdit, certaines mettent le masque pour se dissimuler le visage », explique un agent de police sous couvert d’anonymat. Coiffées d’une abaya, les mains gantées, des femmes masquées ne laissent plus apparaître grand-chose d’autre que leurs yeux, ce que la loi française interdit.

« La loi de 2010 qui visait la burqa avait justement été adoptée pour ça. On parlait de la dissimulation du visage parce que si le texte avait mentionné un motif religieux, il aurait été censuré par le Conseil constitutionnel. Pour moi, ce texte avait un intérêt car il donnait un signal fort des valeurs de notre République. Mais on voit qu’avec le masque chirurgical, la loi est contournée plus facilement », estime Nathalie Wolff, également autrice de l’ouvrage La laïcité est-elle contre les religions?.

Le masque en tête des cortèges

Pendant la crise sanitaire, on a régulièrement vu des personnes « se rebeller » contre l’obligation de port du masque, estimant qu’il s’agissait d’une entrave à la liberté. Certains ont même manifesté. Quelques années plus tard, il est assez marrant de voir que le masque chirurgical reste présent dans les cortèges, notamment aux avant-postes et dans les rangs des black blocs. Un moyen de se dissimuler et d’éviter d’être reconnu ou identifié.

Pendant les manifestations, il est fréquent de croiser des personnes cachées derrière un masque, notamment parmi les éléments les plus radicaux.
Pendant les manifestations, il est fréquent de croiser des personnes cachées derrière un masque, notamment parmi les éléments les plus radicaux.  - C. Allain / 20 Minutes

Adoptée en 2019 et donc avant la crise sanitaire, une « loi anti casseurs » avait interdit la dissimulation du visage en manifestation, dans le but d’identifier les black blocs vêtus de noir. Là aussi, le masque est venu les aider. « C’est au juge d’apprécier si cela constitue une infraction. Tout le problème, c’est d’évaluer si le motif pour se cacher le visage était légitime ou pas », poursuit la chercheuse Nathalie Wolff. Un « gilet jaune » qui avait expliqué « avoir froid » pour justifier le port d’un cache-col en manifestation avait été condamné, la justice ayant estimé que cette raison « n’était pas légitime ».

Les stars en quête de discrétion

Sur les quelques photos immortalisant la venue de Kylian Mbappé à Stockholm, on peut voir le footballeur du Real Madrid le visage caché derrière un masque noir. Pour ne pas être reconnues, les stars optent régulièrement pour le masque chirurgical en public. Ce fut notamment le cas du couple formé par l’influenceuse Kylie Jenner et le comédien Timothée Chalamet lors d’une virée au cinéma où ils essayaient d’échapper aux paparazzis. Même lorsqu’ils ne sont pas connus, certains aiment protéger leur identité, notamment de la vidéosurveillance.

Lors de sa virée à Stockholm qui fait tant parler, Kylian Mbappé est apparu masqué pour ne pas être reconnu.
Lors de sa virée à Stockholm qui fait tant parler, Kylian Mbappé est apparu masqué pour ne pas être reconnu.  - J. Wixtröm/Aftonbladet/TT News Agency/AFP

« En Chine, de nombreuses recherches en reconnaissance faciale ont été conduites pour identifier l’identité des personnes même lorsqu’elles portent un masque. Ce type de travaux illustre assez bien la place ambiguë du masque dans l’espace social : c’est à la fois un outil sanitaire et un voile posé sur l’identité des personnes », analyse Franck Cochoy.

En bonus, la spéciale marseillaise

A Marseille, on ne fait rien comme les autres. Au point que certains ont été jusqu’à détourner l’usage du masque chirurgical pour protéger leur véhicule des virus.

A Marseille, certains tentent de cacher leur plaque d'immatriculation avec un masque chirurgical.
A Marseille, certains tentent de cacher leur plaque d’immatriculation avec un masque chirurgical. - A. Vella / 20 Minutes

A plusieurs reprises, des habitants ont pu apercevoir les fameux objets recouvrir les plaques d’immatriculation. L’objectif ? Les cacher des fameuses « sulfateuses à PV » qui verbalisent tous ceux qui n’ont pas payé leur stationnement ou sont mal garés. Mais difficile à justifier en cas de contrôle physique des forces de l’ordre. « Ma voiture a de la fièvre », ce n’est pas hyper crédible.

20 Minutes

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