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Après la Fondation Abbé Pierre qui souhaite modifier son nom, c’est au tour d’Emmaüs de changer de dehors. Le mouvement a décidé, ce mardi 21 janvier de retirer de son logo la mention de son fondateur l’Abbé Pierre, ancien défenseur des plus démunis accusé aujourd’hui de multiples violences sexuelles, plus de 15 ans après son décès.
Lors d’une assemblée générale extraordinaire, les représentants des quelque 300 structures du mouvement ont voté à 91 % en faveur du retrait de la mention «fondateur Abbé Pierre» du logo d’Emmaüs. Elle apparaissait jusqu’à présent en petits caractères après le nom de l’association, sous un symbole, un carré bleu orné d’un soleil jaune. «C’est un résultat sans appel», s’est félicité Bruno Morel, président d’Emmaüs France. Pour lui il ne s’agit pas de «renier ce qu’on doit à l’Abbé Pierre, on doit continuer à travailler au service des publics vulnérables.»
Le conseil d’administration d’Emmaüs France avait proposé en septembre de retirer cette mention, à la suite de la révélation d’une salve d’accusations de violences sexuelles à l’encontre de l’Abbé Pierre. Ce changement d’image s’inscrit «dans la droite ligne de la démarche de reconnaissance et de respect à l’égard des victimes», précise un communiqué d’Emmaüs. L’Abbé Pierre fera «toujours partie de notre histoire» mais «il devient impossible d’honorer publiquement son image», constate l’association.
«Tourner une page très douloureuse»
Au total, l’Abbé Pierre est visé par 33 accusations de violences sexuelles. Elles ont été révélées par trois rapports différents, réalisés par le cabinet Egaé, mandaté par le mouvement Emmaüs et la Fondation Abbé Pierre pour faire la lumière sur les agissements du prêtre. Le premier, publié en juillet, rapportait des témoignages de harcèlement et d’agressions sexuelles. Il avait provoqué une onde de choc tant l’Abbé Pierre, défenseur inlassable des plus démunis et des mal-logés, a longtemps fait figure d’icône.
Chronologie
Le dernier rapport a été rendu public la semaine dernière. Parmi les nouvelles accusations de violences sexuelles figurent un viol sur mineur et des faits concernant au moins un membre de la famille de l’Abbé Pierre. Il a conduit Emmaüs à qualifier son fondateur de «prédateur». Dans le sillage de ces révélations, l’Église catholique française a pris une mesure à la symbolique forte en demandant à la justice d’ouvrir une enquête. Une telle action en justice risque toutefois de se heurter à des obstacles, compte tenu de l’ancienneté des faits remontant à une période allant des années 50 aux années 2000.
Emmaüs France a fermé définitivement le lieu de mémoire dédié au prêtre, à Esteville (Seine-Maritime). Elle a également recommandé à ses structures adhérentes d’ôter tous les visuels le représentant. «Beaucoup ont déjà été retirés mais certains groupes ont encore besoin de travailler sur le sujet, c’est compliqué pour certains anciens compagnons», a reconnu Bruno Morel. Il espère parvenir à «tourner une page très douloureuse, évidemment pour les victimes, mais aussi pour le mouvement».
«#MeToo odonymique»
Du côté de Marseille, Kamel Fassatoui, responsable de la communauté Emmaüs de Pointe-Rouge, se dit opposé au retrait de la mention du fondateur du logo national : «on ne peut pas effacer l’histoire, personne n’aurait pu participer au mouvement s’il n’y avait pas eu l’Abbé Pierre». Malgré cela, il a décidé de changer leur logo local, pour mettre en valeur sa ville et le rôle des compagnons, au lieu du visage du prêtre.
Créée en 1949, Emmaüs est la plus ancienne des associations fondées à l’initiative de l’Abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès. Depuis, elle est devenue un poids lourd dans le secteur de l’aide aux plus précaires, avec 38 000 membres en France. Il a également créé avec des proches en 1987 la Fondation Abbé Pierre qui lutte contre le mal-logement. Elle a récemment entrepris des démarches pour changer de nom.
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