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Projet de loi de finances
S’il affirme vouloir laisser vivre le débat parlementaire, le Premier ministre a expliqué que «retarder l’adoption du budget pourrait paralyser l’action publique» pour justifier en amont une issue qui apparaît inévitable.
Depuis 2022, c’est la rituelle question automnale. Quand le gouvernement voudra-t-il couper court au débat budgétaire pour imposer aux députés son projet de loi de finances (PLF) au moyen de l’article 49.3 ? Comme sa prédécesseure Elisabeth Borne – Gabriel Attal n’a pas eu l’occasion de passer cette haie, locataire de Matignon de janvier à juillet –, Michel Barnier ne devrait, à son tour, pas avoir le choix s’il veut garder la main sur son budget. Sur le papier, le Premier ministre ne dispose, à l’Assemblée nationale, que d’un maigrichon «socle commun», et encore… Les députés Ensemble pour la République (EPR), Modem et LR qui fourbissent leurs «lignes rouges» ne sont pas prêts à dire «amen» à la copie initiale du gouvernement.
«Base solide de discussion»
Soucieux d’amadouer les parlementaires, Michel Barnier et son ministre chargé des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, ont promis que le PLF pour 2025, présenté le 10 octobre, était «perfectible». «Le Parlement peut l’améliorer et en aura la capacité en préservant les équilibres», avait assuré le chef du gouvernement, rappelant qu’il avait dû boucler en quinze jours chrono le texte qui présente un effort de 60 milliards d’euros. Ce dimanche 20 octobre, à la veille du début de la discussion en séance publique, Michel Barnier n’exclut pas d’avoir recours au 49.3. Dans un entretien au JDD, il insiste d’abord sur son souhait de laisser vivre le débat parlementaire : «Ces textes financiers constituent bien plus qu’une formalité administrative : ils représentent une base solide de discussion, un terrain sur chaque groupe parlementaire, chaque député peut apporter sa contribution.» Mais, au bout du compte, il insiste sur les raisons pour lesquelles «le 49.3 permet ainsi d’éviter un blocage» : «Retarder l’adoption du budget pourrait paralyser l’action publique, compromettre la gestion des finances de l’Etat et mettre en danger la crédibilité financière de la France.»
Cri du cœur de Laurent Saint-Martin, dimanche midi : «Il faut qu’il y ait du débat le plus longtemps possible, nous avons besoin de débattre.» Interrogé, sur France Inter, sur la possibilité que le gouvernement actionne d’entrée de jeu l’outil constitutionnel lui permettant d’adopter un texte sans vote, le ministre chargé du Budget et des Comptes publics, a assuré : «Je ne le souhaite absolument pas.» Lui qui ouvrira les hostilités lundi, au banc du gouvernement, dans l’hémicycle, veut «faire d’abord confiance au Parlement pour amender le texte et garder l’objectif de rétablir les comptes. Je ne désespère pas que le Parlement prenne ses responsabilités.» Dans le même temps, le sort réservé par les commissaires aux finances de l’Assemblée, à la première partie du PLF, a pour le moins fâché Saint-Martin. «Les masques sont tombés, on a bien vu ce qu’était l’enfer fiscal», accuse-t-il, pointant «notamment le Nouveau front populaire».
«Boucherie fiscale»
Il est vrai que l’examen en commission des finances, cette semaine, a laissé au gouvernement peu d’espoirs de trouver un compromis sur ses propositions de recettes. D’un côté, la hausse de la taxe sur la consommation finale sur l’électricité (avec la possibilité pour l’exécutif de l’augmenter au-delà de son niveau d’avant la crise énergétique) a été rejetée, tout comme le gel des ressources des collectivités locales et l’alourdissement du malus automobile. De l’autre, les députés ont accru la fiscalité sur les superprofits, les superdividendes, renforcé la taxe sur les rachats d’action, doublé la contribution exceptionnelle des grandes entreprises de transport maritime ou réduit le périmètre du Crédit impôt recherche.
Bilan : le gouvernement n’y retrouve pas ses petits. Et les députés, profondément divisés, ont fini par rejeter le texte, samedi, après l’avoir largement réécrit. «Une boucherie fiscale» et au final, un «budget Frankenstein» sans cohérence d’ensemble, a conclu le député EPR David Amiel, horrifié par la version finale. Un tour de chauffe, sans conséquence à ce stade, puisque les députés repartiront dès lundi du texte d’origine, du moins jusqu’à ce que le gouvernement décide d’arrêter les frais.
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