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Avant la guerre, partir de Khartoum pour rejoindre Sinja, en remontant le cours du Nil Bleu, prenait une grosse demi-journée en voiture. La route, plein sud, traversait la plaine fertile de la Jézira et son entrelacs de canaux d’irrigation. Aujourd’hui, il faut effectuer un détour de plus de mille kilomètres pour relier les deux villes. Le trajet dure trois jours pleins, obligeant à suivre une boucle passant par la ville industrielle d’Atbara, au nord, bifurquer vers le désert pierreux du pays Béja, puis emprunter la longue route rectiligne et défoncée de Kassala, territoire rugueux des éleveurs de l’Est aux dizaines de milliers de têtes de moutons, de vaches, de chèvres ou de chameaux, longer la frontière érythréenne puis éthiopienne jusqu’à Gedaref avant de quitter l’asphalte pour enfin rejoindre, par une piste sableuse trouée d’ornières tracée à travers champs sur 150 kilomètres, Sinja.
Partout, sur cet itinéraire, l’armée soudanaise a dressé des checkpoints. Les militaires et leurs supplétifs civils, les mustanfareen, sont omniprésents. Dans les bennes des camions qui vont au front ou qui en reviennent. Dans les pick-up qui traversent les villes en faisant crisser leurs pneus. Dans les cafés, les restaurants, les boutiques, le cliquetis du métal des kalachnikovs est devenu un bruit familier. Des buttes en terre ont été formées à l’entrée des villes en guise de remparts. L’ennemi n’est pas loin.
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