Le visage de Susana Chávez a disparu de sa sépulture. Seuls subsistent le noir de ses cheveux et les rayures de son polo sur l’image jaunie par le temps. « Susi, tu n’es jamais partie. Nous te sentons en chacun de nous », ont fait graver ses proches sur la pierre tombale. Quatorze ans après son décès, le 6 janvier 2011, seule sa mère, Lázara Castillo, continue d’honorer sa tombe. Le jour des morts, le 2 novembre, cette ancienne aide à domicile de 79 ans a déposé des cempasúchil, des roses d’Inde déjà fanées, et quelques offrandes. « Un morceau de gâteau et une canette de bière », confie la septuagénaire, qui se déplace difficilement depuis une vilaine chute.
Dans les hauteurs de Ciudad Juárez, grande ville industrielle à la frontière nord du Mexique, ce cimetière est un labyrinthe de tombes colorées qui semblent se chevaucher tant le cadastre est erratique. Le pic rocheux du Cerro Bola se dresse en arrière-plan, point culminant de la région, attirant le regard avec son message inscrit sur son flanc : « La Bible est la vérité. Lisez-la. »
L’autre image célèbre de Juárez, une des municipalités du pays qui compte le plus d’homicides, ce sont ces centaines de croix roses dessinées sur les murs ou plantées pour marquer les lieux de découverte de féminicides. Ces trois dernières décennies, plus de 3 000 femmes y ont été assassinées ou victimes de séquestrations forcées (par le crime organisé ou des réseaux de traite), selon la base de données de la sociologue Julia Estela Monárrez Fragoso.
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