Au Nicaragua, le couple présidentiel obtient les pleins pouvoirs

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Sans surprise, le couple présidentiel du Nicaragua a obtenu, jeudi 30 janvier, les pleins pouvoirs sur un pays qu’il dirige fermement depuis dix-huit ans. Le processus a commencé en novembre, lorsque le projet de réforme de la constitution a été validé par le parlement nicaraguayen, dominé par le parti au pouvoir, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN). Ce même parlement a indiqué jeudi sur X avoir adopté la réforme «dans son intégralité».

La réforme comporte plusieurs mesures, qui renforcent l’influence du couple qui régit le petit pays d’Amérique centrale. La première dame Rosario Murillo passe ainsi du statut de Vice-Présidente à celui de «Coprésidente», aux côtés de son époux Daniel Ortega. Les mandats présidentiels ne sont plus des quinquennats mais des septennats, et, bien entendu, le décret s’applique de manière rétroactive : le mandat actuel du couple présidentiel est donc étendu d’un an, jusqu’en 2028.

Une surveillance accrue de l’Etat sur la presse et l’Eglise est également prévue, pour s’assurer qu’elles ne répondent pas à des «intérêts étrangers». Le régime officialise aussi le concept de «traîtres à la patrie», une accusation déjà utilisée par le gouvernement pour retirer la nationalité des opposants et les expulser. Enfin, une «police volontaire» sera créée, pour que les civils puissent servir de «corps auxiliaire et de soutien» aux forces de sécurité. Depuis deux semaines, ce sont plus de 15 000 civils qui ont déjà rejoint les rangs de ces groupes «paramilitaires» dénoncés par l’opposition en exil.

Daniel Ortega est un habitué du pouvoir : considéré comme l’un des leaders de la junte sandiniste qui prend le pouvoir au Nicaragua après la révolution de 1979, il est élu Président une première fois en 1985, jusqu’en 1990. Après deux échecs successifs en 1996 et 2001, ce n’est qu’en 2006 qu’Ortega fait son retour à la présidence du Nicaragua, pour ne plus la quitter. Pour cela, Ortega fait (déjà) réformer plusieurs fois la constitution du pays par les députés, pour pouvoir effectuer un nombre indéfini de mandats. Il procède également au musellement de l’opposition : le régime s’attaque particulièrement aux ONG, souvent pilotées par l’Eglise catholique, elle aussi prise pour cible par le régime. Daniel Ortega a ainsi dissous 1 500 ONG en août 2024, prétextant un défaut de transparence sur leurs bilans financiers, et permettant à l’Etat de se saisir de leurs biens. Trois jours après cette mesure, le gouvernement avait également annoncé annuler l’exemption d’impôt des mouvements religieux, contraints de verser 30 % de leurs revenus annuels à l’Etat.

Le Président accuse l’Eglise d’avoir soutenu les manifestations massives contre le régime en 2018. Déclenchées par une réforme du système des retraites, les manifestations ont secoué le pays pendant trois mois, se transformant en insurrection massive. Le bilan est sombre : la répression, orchestrée par l’armée et les groupes paramilitaires, fait plus de 300 morts et des milliers de blessés, et des centaines de personnes sont emprisonnés. Le régime d’Ortega a depuis accentué la répression des opposants, empêchant notamment le parti d’opposition Citoyens pour la Liberté (CxL) de se présenter à l’élection présidentielle de 2021 et en poussant à la démission certains maires aux élections municipales de juillet 2022. Cette même année, le pays comptait près de 200 opposants en prison.

Derrière les manifestations de 2018 pointait un mécontentement de la population face à un président qui n’est plus autant à gauche qu’à ses débuts, selon les opposants au régime. Les idéaux de justice sociale, présents aux débuts de la révolution sandiniste, se sont effacés derrière la volonté de rester au pouvoir, coûte que coûte. Le politologue en exil Silvio Prado dénonçait ainsi en 2018 un régime «népotique». «La dimension doctrinale du parti s’est effacée derrière la toute-puissance d’un leader unique.» L’opposante Mónica Baltodano, qui a dû elle aussi s’exiler, l’affirmait également à Libération en mars dernier : «Daniel Ortega n’est pas de gauche», mais «un traître à la révolution et aux espoirs qu’elle a suscité en Amérique latine et dans le monde entier». De nombreux opposants ont, comme Mónica Baltodano, pris le chemin de l’exil depuis 2018. Avec la consécration des pleins pouvoirs présidentiels ce jeudi, leur retour au pays semble plus que lointain que jamais.

Libération

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