«Prima la vita» de Francesca Comencini, héritage mûr

«Prima la vita» de Francesca Comencini, héritage mûr

Главная страница » «Prima la vita» de Francesca Comencini, héritage mûr

Cinéma dans les pas de papa. Le cinéma du père, l’antre de la matrice, le ventre de la baleine. A rebours d’une vie entière de «fille de», choisissant de faire le vide autour de cette relation filiale de nom illustre – Comencini –, Prima la vita est l’anatomie d’un rapport exclusif et opaque sur des années, de Pinocchio à Geppetto, de Francesca, réalisatrice d’une quinzaine de films, à Luigi, mort en 2007 de la maladie de Parkinson, auteur d’œuvres mémorables de l’enfance, l’Incompris, Casanova, Un adolescent à Venise, et donc les Aventures de Pinocchio. Sa fille, à présent âgée de 64 ans, entreprend de filmer le portrait d’un homme droit, cultivé et de gauche, cinéphile qui sauva nombre de films en très fragile pellicule nitrate de la destruction et fonda, avec son frère et le réalisateur Alberto Lattuada, la Cineteca Italiana à Milan : on voit les extraits choisis de quelques films muets sauvés qui font écho au récit.

Par la distance attentive, respectueuse, une mise en scène à froid, très dépouillée, la cinéaste revient sur ce rapport d’amour à pas de loup, l’évolution contrariée du lien entre père et fille, seuls dans l’appartement romain, séparés par un couloir d’ombre, où le plus profond du film finira par s’épancher. Avec la même attention qu’elle suit l’évolution de la maladie, les tremblements des mains du grand artisan, ou la déchéance sur son visage à elle, devenue héroïnomane.

Du moins Francesca Comencini ne songe pas un instant, elle, à séparer l’homme de l’artiste et le père de l’œuvre. Tout est lié, ligué à recomposer le destin de cinéaste-fille-de-grand-cinéaste, son privilège et sa malédiction. Il faut souligner l’originalité du regard porté sur soi étonnamment lucide, inattendu à quelques défauts près, sans minauder. Pinocchio, c’est elle, la fille, la créature, et pas elle, parce que Francesca est une fille et non un garçon. Alors elle traîne (elle aime traîner) dans le champ de la caméra dont il faut la faire sortir. Elle sait que son père hait le mensonge comme dans le conte de Collodi. Cruellement, c’est lorsqu’elle se mettra à lui mentir, jeune femme révoltée des années de plomb, qu’elle entrera dans le champ de vision de son père, qui, éploré, se dédiera à elle «le temps qu’il faut» (titre original du film). Version lointaine et féminine de Mon père avait raison, Prima la vita est le récit de ce regard enfin échangé puis renvoyé, de la fille sur son père.

Libération

Post navigation

Leave a Comment

Schreibe einen Kommentar

Deine E-Mail-Adresse wird nicht veröffentlicht. Erforderliche Felder sind mit * markiert