Guerre en Ukraine : l’Union européenne se met en ordre de bataille pour résister à Donald Trump et son accord de paix

Guerre en Ukraine : l’Union européenne se met en ordre de bataille pour résister à Donald Trump et son accord de paix

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L’Union européenne n’a aucune intention d’être le dindon de la farce de l’offensive tous azimuts lancée par Donald Trump en quelques jours. Non seulement le président américain est décidé à conclure un «accord de paix» en Ukraine directement avec le président russe, Vladimir Poutine, sans impliquer ni les Ukrainiens ni les Européens dans une négociation qui déterminera pourtant la future architecture de sécurité en Europe, mais il leur a signifié que l’Alliance atlantique était en état de «mort cérébrale», il leur a déclaré une guerre commerciale qui ne fait que commencer et il ne cache pas sa volonté de déstabiliser, via son vice-président, J.D. Vance ou Elon Musk, ses démocraties…

Conscient que, ainsi que l’a souligné samedi lors de la conférence sur la sécurité de Munich le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, «Trump n’aime pas les amis faibles, il respecte la force», les Européens ont pris conscience que «l’ami américain» n’est plus et sont décidés à ne pas se faire «éparpiller par petits bouts, façon puzzle», comme le dit Raoul Volfoni dans les Tontons flingueurs. Emmanuel Macron, dont c’est justement le film fétiche, a donc organisé dans l’urgence à Paris, ce lundi, un mini-sommet sur l’Ukraine et la défense européenne en format dit «Weimar +» avec les chefs de gouvernement de l’Allemagne, de la Pologne, de l’Italie, du Danemark, du président du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, António Costa, de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et du secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte.

«Trump veut nous traiter comme des supplétifs», explique un diplomate de haut niveau, l’envoyé spécial de Donald Trump sur l’Ukraine, Keith Kellogg, ayant effectivement écarté la participation des Européens aux négociations : «Je fais partie de l’école réaliste, je pense que ça ne va pas se produire.» En clair, «il veut conclure un deal avec Poutine et nous demande d’en assumer la charge en envoyant des troupes pour faire respecter le cessez-le-feu», poursuit ce même diplomate. «Il n’en est pas question, poursuit-il. On doit être présents à la table de négociations pour peser sur les conditions de l’éventuel accord et sur les garanties de sécurité qui seront offertes à l’Ukraine.» D’où ce mini-sommet de Paris destiné à se mettre en ordre de bataille. «Il y a un vent d’unité qui souffle sur l’Europe tel qu’il n’y en avait pas eu depuis le Covid», a assuré dimanche sur France Inter Jean-Noël Barrot, le chef de la diplomatie française. L’Elysée a résisté aux demandes de réunir un Conseil européen à 27 dans l’urgence qui risquait de ne déboucher sur rien de concret et de donner une impression d’impréparation et de panique. Lundi à Paris, «on enclenche une mécanique qui s’accélérera en fonction de ce qui se passera avec Poutine», explique un diplomate.

Car dans la plupart des capitales européennes, on estime que rien n’est joué, Trump ayant pris le risque de l’échec et donc de se faire humilier. Experts et diplomates restent sidérés par «l’art du deal» (titre d’un livre de Trump de 1987) du président américain : annoncer d’emblée toutes les concessions qu’on est prêt à faire (annexion du Donbass, départ de Zelensky, non-adhésion à l’Otan, absence de garantie de sécurité américaine à l’Ukraine) n’est pas la meilleure façon de négocier. «Poutine est beaucoup plus malin que Trump, explique le diplomate déjà cité, et s’il accepte de négocier, il sait qu’il sera en position de force puisque le président américain est pressé. Rien ne va l’empêcher de faire monter les enchères.» «C’est là où on a une carte diplomatique à jouer : expliquer que Trump se fait rouler dans la farine. Cela peut faire dérailler la négociation», parie un autre diplomate. Comme a commencé à le faire le chef de l’Etat français en parlant de «capitulation».

D’autant que l’Ukraine n’a pas dit son dernier mot. Sur le front, la Russie patine et s’épuise, le financement de Kyiv, tant par les Européens que par les Etats-Unis, est garanti jusqu’en 2026, le départ du pacifiste chancelier Olaf Scholz qui pourrait être acté le 23 février, devrait enfin permettre à l’Allemagne de livrer à Kyiv ses fameux missiles Taurus, et enfin, l’Union, qui aide désormais davantage l’Ukraine que les Américains, a les moyens de pallier en bonne partie sa désertion. Enterrer l’Ukraine comme le fait Trump est donc un brin rapide.

Un autre acteur pourrait venir perturber le jeu de Washington : la Chine a en effet exigé que les Européens soient à la table de négociation. Ce pays, pourtant allié de la Russie, sait qu’il est le prochain dans le viseur de Donald Trump et entend ainsi se rapprocher de l’Union pour résister à la guerre commerciale qui pointe. Une façon pour Pékin de rappeler que l’ordre du monde ne sera pas décidé par Washington seul.

La brutalité de Trump, loin de faire voler en éclat la cohésion européenne, l’a, pour l’instant renforcée. Ainsi, vendredi, lors d’une réunion des ambassadeurs des Vingt-Sept, tous se sont accordés pour à la fois riposter aux droits de douane punitifs décidés par Washington, mais aussi pour appliquer sans faiblir la réglementation européenne du numérique (en particulier le Digital Services Act), notamment au réseau X d’Elon Musk, en dépit des menaces américaines. «Il y a une vraie prise de conscience de la très grande majorité des Etats que l’Union est une puissance économique et commerciale qui a les moyens de se faire respecter et qu’il faut se préparer à le faire dans le domaine militaire», affirme un témoin de la réunion.

D’ailleurs, le second objectif du sommet de ce lundi sera aussi d’enclencher la démultipliée sur l’Europe de la défense, en particulier l’intégration des industries militaires. Et là, les choses bougent très vite. Non seulement Ursula von der Leyen a annoncé vendredi être prête à réformer le Pacte de stabilité budgétaire pour faire sortir les dépenses militaires du calcul du déficit public, mais le probable futur chancelier allemand, Friedrich Merz, s’est dit prêt, sous conditions, à envisager un emprunt européen pour financer en commun le réarmement de l’Union. «Tout dépend de l’avenir des démocraties européennes, analyse le diplomate de haut niveau déjà cité. Si demain, les populistes d’extrême droite parviennent au pouvoir dans plusieurs pays, cela en sera fini de l’Union. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’offensive américaine contre nos démocraties.» Le «grand jeu» du XXIe siècle est lancé.

Libération

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