François Bayrou dans la diagonale du flou

Quand c’est flou, on connaît la formule, c’est qu’il y a un loup. C’est peu dire que François Bayrou, depuis sa nomination à Matignon, fait preuve dans l’exercice de ses fonctions d’une indéniable culture du flou. Dans un étrange mélange lié à son centrisme congénital, ses manières de baron local un peu datées et son profil personnel de paysan madré. C’est dans ce triangle idéologique, politique et personnel que navigue depuis toujours le Premier ministre. Et qu’il «fait du Bayrou», comme le dit un des interlocuteurs de Libé, sans se prononcer sur la part d’improvisation ou au contraire de maîtrise qui se cache derrière l’expression. Le Premier ministre va aujourd’hui survivre sans frayeur à la motion de censure du PS, la sixième depuis sa nomination.

Il a survécu à sa course de haies budgétaire. Difficile donc de conclure que cet art du flou ne lui réussit pas. Sans doute parce qu’il colle assez bien à la confusion politique, à l’évanescence diront certains, du moment, liée à l’absence de majorité. Mais passé l’obstacle budgétaire, le Premier ministre ne pourra plus très longtemps balader son monde. Sauf à se satisfaire de faire du surplace sur tous les sujets – c’est, rappelons-le, un reproche qui colle à la peau de François Bayrou après son passage rue de Grenelle où il a cogéré le ministère de l’Education avec le Syndicat national des enseignements de second degré. Car même sur des sujets qui continuent de bousculer les clivages, où avancer sans sectarisme peut s’entendre, on pense par exemple à la fin de vie, le Premier ministre ne peut pas se contenter de temporiser.

Et sur des sujets aussi sensibles que l’immigration, le Premier ministre ne peut tout simplement pas entretenir le flou sur son utilisation de l’expression empruntée à l’extrême droite de la «submersion migratoire». Dans un autre registre, François Bayrou a relancé les discussions sur les retraites en entretenant une certaine ambiguïté. Les partenaires sociaux qu’il a convoqués ne se plieront pas à un exercice de dupes. Et c’est heureux.