Quasi assuré de prendre les rênes de l’Allemagne après la confortable victoire de son parti conservateur lors des élections législatives ce dimanche 23 février, Friedrich Merz hérite d’un pays déboussolé par la nouvelle donne économique et géopolitique. Avec une montagne de défis à la clef.
Immigration
Sous la direction des chrétiens-démocrates, l’Allemagne, ébranlée par plusieurs attaques meurtrières commises ces derniers mois par des étrangers, se prépare à un tour de vis sur l’immigration.
Rompant nettement avec l’héritage centriste d’Angela Merkel, le parti CDU de Friedrich Merz prévoit le refoulement de tous les étrangers sans papiers à la frontière, y compris les demandeurs d’asile. Les conservateurs veulent restreindre le regroupement familial, durcir l’obtention de la nationalité allemande et verrouiller les 3 900 kilomètres de frontières allemandes.
Quid de la coopération entre Berlin et ses partenaires européens, des règles de libre circulation dans l’espace Schengen, du pacte migratoire adopté l’an dernier par les 27 Etats membres de l’UE ? Le chancelier social-démocrate (SPD) Olaf Scholz a accusé son rival de vouloir “enterrer l’Europe” en prônant un cavalier seul du pays le plus peuplé de l’UE.
Et Friedrich Merz pourrait se heurter aux mêmes obstacles que le dirigeant sortant qui, malgré un discours de fermeté, n’a pu accroître sensiblement les expulsions des étrangers auteurs d’infraction ou de ceux déboutés du droit d’asile.
Les conservateurs ont fait de la lutte contre l’immigration illégale une priorité en arguant que cela endiguera la progression du parti d’extrême droite AfD.
Economie
Après deux années consécutives de récession, et une troisième qui se profile, l’Allemagne cherche le remède à sa crise économique. Au cœur des débats, le symbole national d’orthodoxie budgétaire : le “frein à l’endettement” qui limite dans la constitution les nouveaux emprunts annuels à 0,35 % du PIB par an.
Alors que toute discussion sur son assouplissement était tabou il y a quelques années, tout le monde en parle désormais compte tenu des énormes besoins d’investissements du pays : défense, infrastructures, transition climatique, soutien à l’industrie. Même les économistes les plus orthodoxes jugent ce carcan, introduit sous les mandats d’Angela Merkel, en décalage avec les besoins de la troisième économie mondiale.
Le chef des conservateurs reconnaît lui-même la nécessité d’augmenter massivement les dépenses de défense et de sécurité. A ce stade, une réforme de la “Schuldenbremse” ne figure pourtant pas dans le programme des conservateurs. Ces derniers veulent faire des économies dans les dépenses publiques en taillant notamment dans le versement de l’aide aux chômeurs de longue durée, jugée trop généreuse. Mais ils promettent par ailleurs des allègements fiscaux massifs des ménages et des entreprises dont le financement est loin d’être assuré. D’après l’Institut allemand de l’économie, proche du patronat, le programme des conservateurs coûterait environ 90 milliards d’euros aux finances de l’Etat.
International
Après trois ans d’un gouvernement Scholz divisé sur les grands dossiers européens et frileux face aux crises internationales, Friedrich Merz promet de redonner un rôle moteur à l’Allemagne sur la scène mondiale. Un retour de la stabilité politique à Berlin est jugé urgent pour renforcer le poids de l’Europe face aux bouleversements géopolitiques en cours : alignement des Américains sur les intérêts russes dans les négociations sur l’Ukraine, remise en cause du lien transatlantique, guerre commerciale de Washington.
“Je vais, en tant que chancelier allemand, à nouveau activement participer à la définition de la politique européenne et avec moi, l’Allemagne aura à nouveau une voix forte au sein de l’Union européenne”, a affirmé samedi le chef des conservateurs. Fervent partisan d’une poursuite du soutien à l’Ukraine, il veut relancer les relations avec la France mais s’appuyer aussi sur la Pologne, persuadé que le centre de gravité du continent s’est déplacé vers l’Est.
Mais tout comme Olaf Scholz, il juge prématuré de discuter de l’envoi de troupes allemandes pour garantir un éventuel cessez-le-feu en Ukraine. “Nous devons défendre nos intérêts vis-à-vis de la Russie et de la Chine, y compris si nécessaire en nous opposant aux Etats-Unis”, a dit le chef des conservateurs, pourtant atlantiste convaincu. Acter la fin du partenariat transatlantique qui a forgé l’identité de l’Allemagne d’après-guerre serait une révolution pour le parti conservateur héritier de Konrad Adenauer.
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